BD. Chine, de nos jours. Yuan est chauffeur routier. Il achète du charbon à une mine à ciel ouvert qu’il revend ensuite à des grossistes. Mais la qualité de la houille qui baisse l’oblige à aller plus loin pour faire des affaires et faire vivre sa famille. Cette fois, il a donc décidé d’aller à deux heures de route de chez lui. Son intermédiaire, Wei, lui a trouvé deux acheteurs potentiels : après avoir vu papa Wu, un vieux de la vieille qui ne leur propose pas le tarif espéré, ils vont à la rencontre du second, un jeune qui veut s’installer. Quand celui-ci arrive en scooter, c’est pour le planter avec son couteau et le laisser pour mort afin de voler son camion…
Les Ames noires marque le retour d’un scénariste que l’on apprécie, Aurélien Ducoudray, avec un polar noir ancré dans le réel qui porte indéniablement sa marque de fabrique, très sociale. Le scénariste plante en effet l’intrigue de son nouveau récit dans une Chine miséreuse et désertique, visiblement oubliée du parti communiste chinois. Une région triste et morne où l ‘économie tourne quasiment exclusivement autour du charbon. Gérants de mines, chauffeurs, grossistes, intermédiaires, pelleteurs… : toute une hiérarchie s’est ainsi progressivement organisée pour essayer de vivre de cette manne qui tend à se tarir et que certains rêvent de bouleverser. Notamment Wei, qui se verrait bien avoir un camion. Sauf que ce camion, c’est l’unique moyen de subsistance de Yuan qui va tout faire, bien aidé par Chan et sa famille, pour le retrouver…
Un roman graphique aussi noir que son charbon, à la narration parfaitement maitrisée, qui brosse un portrait particulièrement réaliste et informé de la Chine actuelle, que Ducoudray montre gangrénée par la corruption et en proie à une grande violence, la dureté de la vie poussant les gens à l’égoïsme, à l’arnaque voire, pire, au vol ou au meurtre…Une société désespérante (de laquelle ressortent tout de même Yuan et Chan, deux hommes qui ont encore des valeurs…) dont Druart met admirablement en exergue l’âpreté avec ces cases se focalisant sur des paysages arides et rocailleux à perte de vue et la froideur avec une mise en couleur très particulière, dans des tons ternes. Un polar percutant !
(Récit complet, 128 pages – Dupuis)