BD. Ces derniers temps, Chloé Cruchaudet semble en recherche de projets différents, un peu décalés. On l’a ainsi vu illustrer le tome 1 de L’Herbier Sauvage, série (2 tomes sont sortis, dans la même collection Noctambule) dans laquelle Fabien Vehlmann rassemble des témoignages de personnes, inconnues de lui ou non, qui lui parlent de leur vie sexuelle: de tendresse, d’amour ou de fantasmes et de relations physiques débridées. Avec Les Belles Personnes, elle a cette fois accepté, tout en la faisant évoluer un peu, la proposition du festival Lyon BD: « faire des portraits d’anonymes, héros du quotidien ». Et après avoir lancé un appel à contributions, elle a sélectionné 14 témoignages (ces textes originels sont reproduits en fin de livre, accompagnés du portrait, réalisé à la peinture et souvent saisissant, du « héros ») allant au-delà des apparences (c’est la consigne qu’avaient les contributeurs). Ceux qui l’ont le plus émue ou le plus étonnée. Et les a ensuite mis en images en quelques pages, à chaque fois différemment, adaptant son traitement graphique à la particularité du témoignage. Ce sont ces portraits qui sont regroupés dans ce livre: ceux de Mahmed, ce vieux monsieur que la narratrice, nouvelle à Lyon, rencontrait tous les jours à l’abribus et qui la rassurait grâce à sa joie de vivre et à ses encouragements; de ce jeune homme que Benoït L. voyait toujours assis à la même table d’un pub, consignant ses pensées dans un carnet entre 2 goulées de bière, un sourire aux lèvres et qui lui confia, un jour, vouloir se comporter en prince pour rendre le quotidien merveilleux, digne d’être vécu; de Romane, Anne-Gaëlle, Imane et les autres personnels soignants qui prennent soin des enfants prématurés et rassurent, par leurs mots et leurs gestes, les parents inquiets ou ce frère, souffrant de schizophrénie, qui se bat tous les jours contre la maladie, pour continuer à s’intéresser au monde et aux autres, à être drôle et attentionné même si tout le monde ne voit pas cela en le regardant…
Comme souvent avec ce genre d’exercice, l’ensemble est un peu inégal et les témoignages parleront aux lecteurs différemment selon leur vécu ou leur sensibilité. Certains portraits pourront ainsi sembler trop légers ou anecdotiques à certains quand d’autres y verront de la poésie et d’autres portraits paraître larmoyants quand certains les trouveront simplement touchants. En tout cas, ils ont le mérite de nous rappeler de regarder les autres sans les juger, sans les réduire à ce qu’ils semblent être ou à ce que l’on nous a dit d’eux, bref à oublier nos a-priori et à leur laisser la possibilité de nous surprendre. Un livre qui nous plaît parce qu’il est différent, tout simplement.
(Recueil de portraits, 144 pages – Noctambule)