ROMAN. Quiconque a grandi dans un petit village reculé de la campagne française sait ce que Christophe Dugart peut ressentir : cette impression de ne pas pouvoir vivre vraiment, épié par les autres membres de sa famille (ses grand parents paternels et maternels habitent à côté de chez lui…) et les voisins ; cette peur d’avoir la même existence, d’un ennui mortel, que son grand-père et son père (chez les Dugart on est vigneron de père en fils…) et cette envie irrépressible de fuir pour vivre, enfin, ailleurs, à la grande ville. Sauf que chez Christophe Dugart, tout cela est bien plus fort, décuplé même car une malédiction pèse sur sa famille : ses membres meurent les uns après les autres en se suicidant…Ainsi après avoir enterré ses 4 grand parents et son père, Christophe décide de changer le cours des choses et part à Paris sans prévenir personne. Mais cela suffira-t-il à briser la malédiction ?
Au cœur du premier roman de Thomas Louis se trouve l’une des plus fortes angoisses des adolescents : ne pas pouvoir échapper à la vie monotone, pépère et sans relief de ses parents. Bref, de ne pas vivre vraiment. Sauf que Les Chiens de Faïence l’exprime en lui donnant une vraie réalité poussée à son paroxysme : les grands parents, tout comme les parents de Christophe, ne sortent jamais du village, à part pour faire les courses une fois par semaine. Les apparences comptent plus que tout pour eux car le qu’en dira-t-on règne en despote. Les plaisirs sont rares car l’argent doit servir à acheter des choses utiles. Bref, une vie étriquée, identique, pour tous les Dugart, qui se finit aussi de la même façon : en suicide. La vie de Christophe est toute tracée, comme on dit. Sauf que lui n’en veut pas de cette vie. Il la rejette totalement et va fuir pour cela. Une rébellion que Thomas Louis raconte avec verve et humour (difficile de résister au portrait qu’il brosse de la famille Dugart et de leurs petites manies), la plupart du temps noir, bien sûr, dans un style parfois étonnant pas avare en oxymores. Un premier roman drôle et grinçant (on est loin ici du politiquement correct…) à la fois, qui aborde le thème du déterminisme avec une vraie originalité.
(Roman, 304 pages – La Martinière)