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LES CORPS SOLIDES (Incardona)

ROMAN. La reine des abeilles, comme certains la surnomment, aimerait que les 67 millions de français comprennent qu’elle leur veut du bien. Qu’elle les aime même ! Sincèrement. Mais il y en a une parmi elles, Anna, pour qui travailler pour la ruche et le bien commun, n’intéresse pas vraiment. C’est pour cela qu’elle est partie en Californie surfer les plus belles vagues avec Luis, son mari. Et qu’à sa mort, pour pouvoir continuer à offrir cette vie-là, proche de l’Atlantique, en France cette fois, à Léo, leur fils, elle a acheté un camion rôtissoire pour vendre des poulets sur les marchés. Jusque-là, ça fonctionnait plutôt bien, Anna avait même réussi à acheter un mobil home. “Là”, c’est le soir où la camionnette a rencontré un sanglier et que son assurance lui a ensuite demandé un test pour dépister d’éventuelles traces de cannabis. Les problèmes d’argent se sont alors accumulés et d’autres choses aussi dont Anna ne voyait pas bien comment sortir. A moins qu’elle ne participe (c’est Léo qui a eu l’idée…) au “Jeu” télé dont tout le monde parle et qui lui permettrait de gagner une voiture d’une valeur de 50 000 euros…

Après le monde des banquiers genevois dans La Soustraction des possibles, l’écrivain suisse Joseph Incardona s’intéresse cette fois aux gens simples dans son nouveau roman. Des gens qui ont du mal à joindre les deux bouts mais qui peuvent au moins se dire qu’ils mènent la vie qu’ils ont choisi. Mais la liberté ne tient qu’à un fil, semble nous dire l’auteur dans Les Corps solides. Il suffit d’un mauvais concours de circonstances (un sanglier percuté, un assureur peu compréhensif, les emprunts que l’on ne peut plus rembourser….) pour que cette liberté se transforme en cauchemar…Les Corps solides est un récit âpre qui fait se télescoper deux univers diamétralement opposés : celui du surf et sa soif infinie de liberté (qu’Incardona décrit avec beaucoup d’acuité dans des scènes habitées, à croire que l’auteur est un spécialiste de la discipline…) et celui de la téléréalité, dont le cynisme et l’impudeur n’ont aucune limite, pour mieux décrire comment va la société. Un très joli portrait, touchant, de femme trentenaire qui essaie de rester debout malgré les coups du sort, aussi. Très bien écrit, le roman nous parle surtout de dignité et d’amour, fort et beau, entre une mère et un fils. Une lecture marquante.

(Récit complet, 272 pages – Editions Finitude)

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