CARNET. Les carnets, c’est la liberté. Il n’y a pas d’obligation de publication. Quand un carnet est terminé, il sort, c’est tout. Parfois, Sfar les délaisse pendant quelque temps. Pour son portable, par exemple. Mais il y revient toujours et alors on ne l’arrête plus. C’est le cas en ce moment : depuis l’an dernier, l’auteur en a sorti 3 ! Après Comment maigrir ? et On s’en fout quand on est mort, c’est en effet au tour de Les Enfants ne se laissaient pas faire (au départ, Sfar avait pensé à un titre en hébreu mais se doutait que cela n’enthousiasmerait pas trop son éditeur) de paraître. Où, comme d’habitude, le personnel se mêle à l’universel, le futile au crucial, l’anecdotique au génial. Car Sfar peut parler de tout dans ses carnets : de l’extrême droite comme d’un beauceron qu’il a rencontré dans la rue ; de ses 3 enfants et de son rêve d’être entouré d’une véritable tribu comme de ses examens médicaux post-Covid long ; de sa hantise quand on approche de janvier (sa maman est morte un 11 janvier, très jeune, à l’âge de 26 ans) comme des fêtes qu’il organise à la maison. Et de la guerre en Ukraine, qui touche forcément l’auteur puisque sa famille maternelle en est originaire…Avec ou sans dessin, certaines pages n’étant constituées que d’écrit. Et quand il dessine, c’est la même liberté qui préside : cela peut être une esquisse rapide comme quelque chose de plus abouti rehaussé de lavis. Il peut même, pourquoi pas, essayer les feutres de son petit garçon Ilyusha et dessiner des éléphants. Et c’est probablement ce que l’on aime dans ces carnets : ce mélange improbable et totalement imprévisible au travers duquel Sfar se raconte, en tant que juif notamment, en filigrane et nous donne à voir sa vision du monde. Ses carnets sont probablement dispensables mais il serait dommage de passer à côté !
(Carnet complet, 464 pages – Gallimard BD)