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LES MILLE CRIMES DE MING TSU (Lin)

ROMAN. A peine Judah Ambrose tué dans une taverne (cela avait été facile, l’homme étant ivre), Ming Tsu s’était remis en route, non sans avoir, auparavant, rayé son nom dans son carnet. C’était maintenant au tour d’Ellis, qui était toujours contremaitre pour la Union Pacific. Lui aussi il allait le tuer pour lui faire payer toutes les souffrances qu’il avait subies. Et il en profiterait pour demander au prophète de le suivre pour l’aider, avec son don (il pouvait prédire l’avenir), à accomplir ce qu’il avait à faire. Pour cela, il allait falloir traverser les étendues désertiques du lac salé. Ses yeux allaient de nouveau le brûler et le faire souffrir. Mais s’il voulait retrouver Ada, il n’avait pas le choix. Car il restait 5 noms dans son carnet…

Brokeback Mountain, Little Big Man, Mondo Reverso, Blueberry, Méridien de sang, Deadwood : auteurs de BD, réalisateurs et romanciers ont beaucoup fait bouger les lignes du western ces dernières années, donnant une vision différente, bien plus réaliste et juste, parce que plurielle, de la conquête de l’ouest. Tom Lin, pour son premier roman, a aussi décidé d’y apporter sa contribution. Les Mille crimes de Ming Tsu, comme son titre l’indique, met en effet un coup de projecteur sur des oubliés de cette période de violence : les immigrants chinois, venus travailler, en nombre mais souvent dans l’ombre (on n’avait pas vraiment envie de voir ces « chinetoques »…), à la construction de ces villes nouvelles qui poussaient comme des champignons et des chemins de fer pour transporter tous ceux qui rêvaient d’une vie meilleure à l’ouest du pays. Voilà pourquoi son « héros » est Ming Tsu, orphelin américain d’origine chinoise et que bon nombre de personnages, comme le prophète, ont aussi la peau jaune. Un homme obsédé par son désir de vengeance qui va verser le sang partout où il passera pour y parvenir. Et, surtout, pour retrouver sa femme, Ada, de laquelle son père l’a séparée parce qu’il ne voulait pas qu’elle se marie avec un « chinetoque »…Un périple teinté de surnaturel (comme si la violence et la brutalité qui accompagnèrent la construction de l’ouest ne pouvaient être tout à fait réelle…) qui l’emmènera de l’Utah jusqu’à San Francisco, aidé par les membres d’une compagnie de magiciens aux pouvoirs extraordinaires : le jeune Hunter, muet qui parle aux autres par télépathie ; Hazel, la femme ignifugée ; Notah qui peut effacer les souvenirs de ceux qu’il rencontre ou encore Proteus, capable de prendre l’apparence des gens qu’il a en face de lui et par le prophète. Tout cela aboutit à ce récit étonnant, indéniablement singulier, mélange de western âpre et brutal et de fantastique, qui rappelle la violence et le racisme sur lesquels l’ouest américain a été bâti et propose, en filigrane, une réflexion sur la mémoire, les souvenirs ne semblant servir qu’à nous torturer dans Les Mille crimes de Ming Tsu

Signé par un auteur à suivre, capable de passer de descriptions poétiques et sensibles des paysages que Ming Tsu rencontre ou d’un crépuscule au-dessus des montagnes au compte rendu détaillé, particulièrement cru, de l’explosion d’une cervelle après avoir été traversée par une balle de fusil Henry !

(Roman, 406 pages – Gallimard/La Noire)

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