BD. On avait découvert Kikuo Johnson avec Hawaï Solitudes, roman graphique désenchanté paru en 2022, qui voyait l’auteur revenir à la BD après une longue parenthèse pendant laquelle l’auteur s’est consacré à l’illustration (il a été régulièrement publié dans le New-Yorker) et l’enseignement (il est professeur à la Rhode Island School of Design). Les Ombres de Maui nous fait en fait découvrir ses premiers pas dans la bande dessinée puisque ce roman graphique, originellement paru en 2005 sous le titre de Night Fisher aux Etats-Unis, fût son tout premier livre publié, chez Fantagraphics, excusez du peu…même si pour cette nouvelle version Johnson a redessiné des visages et repris des dialogues…Inspiré de sa jeunesse à Maui il y raconte le dernier semestre au lycée Winthrope, « un bahut pour riches », de Loren qui vit seul avec son père. Jusque-là élève modèle (il n’a jamais eu en dessous de 18 sur 20 à ses évaluations), Loren traverse une période difficile : se sentant seul, ne communiquant pas vraiment avec son père qui bosse 60 heures par semaine, il se rapproche de Shane qui a des fréquentations pas vraiment recommandables. Il lui présente par exemple Jon, un mec de trente ans qui l’initie au Batu (le nom hawaïen pour la Meth) et les emmène voler des trucs à droite à gauche pour pouvoir acheter de quoi se défoncer la tête…
Un moment charnière de l’adolescence où l’on peut facilement basculer du mauvais côté que Johnson raconte avec réalisme (son récit sent le vécu…), d’un trait simple mais très en place en noir et blanc. Ce genre (le récit d’apprentissage adolescent) est assez souvent fréquenté, c‘est vrai, mais l’auteur de Hawaï Solitudes en livre une version personnelle intéressante, pleine d’acuité : le portrait qu’il brosse de Loren, notamment son manque de confiance en lui qui lui fait rechercher l’amitié de mecs qui jouent les durs ou le manque d’intérêt qu’il montre pour ce que son père peut lui proposer, sonne, par exemple, très juste.
(Récit complet, 148 pages – Gallimard BD)
