ROMAN. Esseulée dans un monde ravagé par les épidémies et que l’état, aux abois, ne parvient plus à contrôler, elle (on ne connaîtra jamais son prénom…) parvient à survivre, tant bien que mal, en proposant ses services de scribe. Elle, qui est l’une des dernières dans la région à savoir lire et écrire, sait fabriquer du papier et mélanger des encres et on vient souvent de loin pour solliciter l’écriture d’une lettre par ses soins. Un don qui lui permet de tenir en respect la famille Altice voisine et les mercenaires de Billy Kingery, qui fait la pluie et le beau temps dans le coin. Ca et les pouvoirs de sa sœur, pourtant exécutée par le gouvernement il y a quelque temps déjà, qui attiraient et attirent encore beaucoup d’Indésirables venus dans l’espoir d’une guérison ou simplement pour lui rendre hommage. Un équilibre précaire qui va être remis en question par l’arrivée d’ Hendricks venu lui demander d’écrire une lettre pour soulager sa conscience…
Alyson Hagy nous plonge en pleines ténèbres avec Les Sœurs de Blackwater, dystopie teintée de mystère (on ne sait pas quels événements tragiques passés ont entraîné ce présent cauchemardesque…) qui mêle réalité et légendes, avec ces Indésirables rejetés par le gouvernement, ces étranges fièvres qui déciment la population et ce pays revenu à un état sauvage, sans foi ni loi, comme au temps du far west. Une histoire brutale (les conflits se règlent par la violence et la loi du plus fort règne car les autorités, absentes, ne contrôlent plus rien) de trahison et de vengeance. Ponctuée, aussi, de croyances simples et a priori naïves – compassion, respect, amour- auxquelles certains se raccrochent néanmoins et qui pourraient paradoxalement bien le sauver, ce monde. Que nous conte Alyson Hagy, que l’on découvre ici (ce roman est son premier à être traduit en français), de son style âpre mais envoûtant qui met en exergue le pouvoir de l’écriture et la puissance de la compassion et de l’amour. Un livre singulier (l’héroïne est parfois aidée dans sa mission par des forces surnaturelles), mystique et troublant, qui veut, malgré tout, croire en l’Humanité et en sa capacité de rédemption.
(Récit complet, 240 pages – Editions Zulma)