BD. Il y a bien Alex et Rémi qui l’embêtent régulièrement à l’école mais à part ça Mattéo a tout pour être heureux : des parents aimants, une jolie maison, Tommy son chien et Ivan son meilleur ami. Pourtant, le jeune garçon fait toutes les nuits le même cauchemar affreux : l’homme en noir vient lui rendre visite quand tout le monde est couché. Pire, il lui apparaît même la journée, maintenant, à l’école ou à la maison. Mattéo essaie bien de se réfugier dans le monde imaginaire de ses figurines super-héros, Aigle doré ou Super faucon mais la réalité reste plus forte : les pipis au lit, réguliers, ou ses hallucinations, en sont la preuve évidente. Ses parents, inquiets, décident de lui parler d’un docteur qui pourrait l’aider…
Grégory Panaccione est décidément insaisissable, capable de proposer des œuvres jeunesse (Cabot Caboche, adaptation d’un roman de Pennac), de faire dans la SF humoristique (Chronosquad) ou le récit muet (Ame perdue), de faire une incursion inspirée dans l’univers du Donjon de Sfar et Trondheim (L’Armée du crâne) ou encore d’évoquer des sujets plus sérieux et graves (Quelqu’un à qui parler ou La Petite lumière). L’Homme en noir, comme son titre (et sa couverture) l’indique, appartient clairement à cette dernière catégorie puisqu’il traite des agressions sexuelles dont les enfants sont victimes. Un sujet qui a déjà été abordé en BD (dans Pourquoi j’ai tué Pierre d’Alfred et Ka, par exemple) mais que Di Gregorio et Panaccione évoquent ici de façon très personnelle, en se mettant à hauteur d’enfant. La réalité du récit n’est ainsi pas la nôtre ou celle des parents de Mattéo mais bien celle, modifiée par ce qu’il a vécu et par ce que son cerveau met en place pour occulter la violence de l’agression, de Mattéo. Ainsi l’homme en noir (une silhouette schématique géante et sombre) ou Ivan, l’ami imaginaire du garçon, peuvent faire irruption sans crier gare, à tout moment, dans la salle de classe du garçon ou quand il se promène dans la rue. Une façon efficace, et même poignante, de nous donner une idée de la souffrance que peut vivre un enfant qui a été victime d’un pédophile et de ce qu’il peut ressentir. Le dessin de Panaccione suit la même logique : plus simple et enfantin qu’à l’accoutumée et aux couleurs très contrastées (le noir menaçant des cauchemars nocturnes et des apparitions de l’homme en noir s’oppose aux couleurs gaies de la vie “normale”), il donne l’impression d’être directement relié au cerveau de Mattéo.
Un récit fort (pudique, il met pourtant de côté l’agression, qui n’est que suggérée, pour se concentrer sur le traumatisme, presque tangible, de Mattéo) sur un sujet particulièrement important qui reste pourtant malheureusement encore tabou.
(Récit complet, 128 pages – Delcourt)