Ce soir, le groupe de Keith Morris (Circle Jerks, Black Flag) était de passage en ville. Avec sa nouvelle section rythmique, nous n’étions pas les seuls à vouloir voir (et écouter) ce que devenait leur punk hardcore. La salle du Point Ephémère est donc, en ce samedi soir, bien blindée.
Mais avant d’accueillir les américains, c’est le jeune trio australien Cable Ties qui ouvre les hostilités. Avec un deuxième album signé chez Merge records, le groupe de Melbourne montre d’emblée une belle énergie, pas si loin d’une scène garage, et envoie son punk rock touche à tout avec de grands sourires contagieux. Deux filles et un gars (qui arbore d’ailleurs un joli T-Shirt de ses compatriotes de Pinch Points). Les morceaux varient, prenant parfois leurs racines dans la scène alternative des années 90, parfois dans les Riot grrrrls américaines, ou encore dans le rock’n’roll.
Le chant lead de la guitariste (assez aigüe) à tendance à m’irriter un peu, et je lui préfère celui de la batteuse. C’est d’ailleurs le seul morceau qu’elle chantera (plus posé et plus post-punk) qui me fera définitivement rentrer dans leur set. Un set qui passera par des hauts et des bas, selon les morceaux, et les goûts de chacun, mais qui aura le mérite de faire monter la température, avec une vitalité sans retenue. On est très loin de la nouvelle scène australienne qui fait des ravages (des anciens de Eddy Current / Total Control au plus jeune Vintage Crop ou Mini Skirt), mais leur fraicheur fait plaisir à voir.

Changement de plateau. Off! s’installe. Keith Morris arrive, sac a dos sur les épaules, comme s’il rentrait de vadrouille. Il prend son temps… Les musiciens, eux, sont en place. Le guitariste (et acteur) Dimitri Coats (Burning Brides) côté jardin, le nouveau bassiste Autry Fulbright II (…And You Will Know Us By The Trail of Dead) côté cour, et la batteur de jazz Justin Brown au centre. Avec de tels musiciens (surtout pour jouer du hardcore), normal qu’on déroule le CV.
Après une intro électro bruitiste (dans l’esprit de l’intro du dernier album), le gang déboule pieds au plancher. Et c’est parti pour une présentation en bonne et dû forme du dernier album intitulé « Free LSD ». Ça va vite, très vite. Dimitri Coats fait le show : saut, coup de pied, et riffs ravageurs. J’ai l’impression que les morceaux suivent l’ordre de l’album… en tout cas « Time Will Comme » arrive bien en deuxième position, avec ce riff de guitare incroyable. Du côté de la section rythmique ça joue grave. Une technique improbable que les concerts punk nous laissent rarement l’occasion d’entrevoir. Le jeu de batterie de Justin Brown est monstrueux. On est très loin des codes binaires du genre. Les titres du dernier album s’enchainent, avec ce nouveau gros son, et ce côté hollywoodien qui s’extirpe avec panache du hardcore d’origine. Le son du Point Ephémère ne leur rend pas toujours hommage, mais une chose est sûre ça envoie. Dans le publique on se prend claque sur claque, coup de poing sur coup de poing serait sans doute plus adéquat.
On en oublie presque le pauvre Keith tant les musiciens sont impressionnant à regarder. Le chanteur des Circle Jerks fait parfaitement le job, mais du haut de ces 67 ans, n’a plus la même folie que les jeunots à ses côtés. Normal. Il est évident pourtant que dans la salle, le public est venu pour lui. La moyenne d’âge frôle les 50 ans, et les T-Shirt de Black Flag ou des Bad Brains fleurissent. Les gens veulent entendre la légende. Et elle est là. Mais soyons honnête, Off! n’a pas besoin de miser sur ce nom (sauf peut-être pour remplir les salles), tant leur musique est imparable. Le show mérite clairement le détour, et ce mélange de hardcore old school et de son moderne, répond à toutes les attentes. Le CV du chanteur n’est qu’une bougie sur le gâteau.
Alors bien sûr, en se lâchant comme ils le font sur « Free LSD », nous ne sommes pas à l’abri de quelques riffs hérités du metal (normal pour un gars qui joue dans Burning Brides), mais peu importe, cela fonctionne à merveille.
Après avoir expédié énergiquement ce dernier album, sans la moindre baisse de régime, le groupe fait un break. Dimitri Coats, change de guitare (reprenant son ancienne, noire et blanche), et nous voilà replongés, pour mon plus grand plaisir, dans les titres plus anciens. Son plus sec, refrains encore plus efficaces, c’est reparti pour une nouvelle série de morceaux plus traditionnellement punk hardcore. Finis les petites folies du dernier album, on repart dans les années 80. Coup de latte et machine à claque enclenchée. Et une chose est sûre, c’est aussi bon avec les paillettes et les injections de Botox du dernier album qu’avec ce son plus sec, et cette énergie brute. La classe.

photos : Didier V. et Mathieu