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MADEMOISELLE BAUDELAIRE (Yslaire)

BD. Quand Charles Baudelaire, son amant de presque toujours, meurt le 31 août 1867, Jeanne Duval écrit une lettre à sa mère. Pas pour lui demander sa part de l’héritage. Non, pour lui raconter qui elle était, elle que l’on surnommait la Vénus noire, et quel rôle elle a vraiment joué pour son fils -muse, secrétaire, tentatrice, malédiction- et la création de ses Fleurs du mal. Et qui était vraiment Charles lorsqu’il était loin de sa mère : un dandy criblé de dettes car toujours à la recherche de belles choses, un homme incapable d’être heureux car hanté par l’ennui et le désespoir, un « bohémien » qui faisait la noce avec ses amis Nadar, Nerval ou de Banville avant de finir au bordel pour connaître « la vraie vie », un amant rongé par la culpabilité d’avoir peut-être transmis la syphilis, qui la paralysera, à sa belle ténébreuse créole…

Yslaire s’est plongé 5 ans dans les vers du poète et les biographies qui ont été écrites sur lui pour s’imprégner de son œuvre et de sa vie et tenter de comprendre le mystère Baudelaire, « poète maudit » par excellence, afin d’en livrer sa propre vision, basée sur ses intuitions, dans Mademoiselle Baudelaire. Qui, comme son titre l’indique, place sa muse au centre de ce mystère. Car pour Yslaire c’est sa relation avec Jeanne, de laquelle il restera toujours proche (il veillera sur elle, notamment financièrement, jusqu’à la fin), malgré les fréquentes disputes, l’éloignement parfois ou les crises de jalousie. C’est cette muse, « présente partout, visible nulle part », qui se muait même de temps à autres en secrétaire (Baudelaire lui demandait d’écrire les vers qu’il avait trouvés lors de ses virées nocturnes éthyliques lorsqu’il la retrouvait à son appartement), qui peut permettre de comprendre sa quête de transfiguration du réel et le romantisme noir de sa poésie. Voilà pourquoi l’auteur en a fait la narratrice de ce récit, magnifique évocation de la vie du poète, dont Yslaire brosse les différentes facettes (notamment sa dépendance à l’opium, sa recherche esthétique ou sa relation avec sa mère) avec inspiration, mêlant bande dessinée classique et envolées hallucinées hors cases, parfois sur des doubles pages, qui tentent de saisir l’imaginaire -ses fantasmes (certains scènes de sexe sont d’ailleurs assez explicites), ses démons, ses obsessions, son désespoir- baudelairien et son caractère torturé.

Qu’Yslaire, qui se sent l’héritier du romantisme noir incarné par Baudelaire, soit à l’initiative de ce projet, était finalement une évidence. Il a d’ailleurs mis beaucoup de lui-même dans ce récit, cela se sent, cela se voit. Cela débouche sur un hommage vibrant et très personnel au poète, singulier et marquant, visuellement magnifique.

(Récit complet, 160 pages – Aire libre)

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