BD. L’équipe éditoriale l‘avait annoncé lors de sa renaissance : le nouveau Métal Hurlant alternerait entre création originale et matériel ancien issu de l’âge d’or de la publication ! Et après un numéro 1 consacré à la postmodernité vue par des auteurs actuels tels Ugo Bienvenu, Bablet, Alfred ou encore Biancarelli, ce numéro 2 sorti le 16 février en librairie revient sur les débuts de Métal Hurlant. Et Jerry Frissen et sa bande ont bien fait les choses ! Car en plus des 22 histoires courtes sélectionnées parues entre 1975 et 1984 par Jean-Pierre Dionnet, ce second Métal Hurlant nouvelle mouture propose des articles revenant sur la naissance du magazine ou présentant chaque récit en le remettant dans le contexte de l’époque et en présentant ses auteurs afin de donner quelques clés de lecture et, surtout, une très longue interview de son cofondateur (avec Druillet et Giraud/Moebius) et rédacteur en chef mythique : Jean-Pierre Dionnet. L’idéal pour comprendre l’esprit de Métal Hurlant et ce qui animait son équipe : une totale liberté de création et l’envie d’explorer un genre, la science-fiction, jusqu’ici délaissé et même méprisé par la bande dessinée. D’où des ovnis (le scénario est très mince…) purement graphique (un noir et blanc magnifique) comme L’Oiseau poussière de Bazzoli et Caza (initialement paru en 77), des délires esotérico-psychédéliques comme Téléchamp de Macedo (l’auteur brésilien était membre d’une secte qui était en contact télépathique avec des extra-terrestres…) et des récits purement provocateurs (Heilman de Voss). Une liberté qui a néanmoins aussi permis à beaucoup d’auteurs (dont certains allaient accéder au statut de légendes…) en devenir d’expérimenter et d’affiner leur style, comme Bilal , que l’on retrouve avec le sombre et désabusé Crux Universalis Eternity Road porté par un dessin très travaillé, rempli de hachures ; François Schuiten, avec Carapaces (aussi intéressant visuellement que marquant, c’est l’un des meilleurs récits de ce numéro 2) ou encore Druillet avec Agorn et son héros prométhéen, un véritable choc ! On retrouve avec grand plaisir The Long Tomorrow que Dan O’Bannon avait écrit pour Moebius sur le tournage du Dune de Jodorowsky (qui ne vit finalement jamais le jour…) pour « s’occuper » ; Jean-Claude Mézières, avec le très doux-amer Baroudeurs de l’espace (qui fait référence à la guerre du Vietnam) ou encore Jean-Claude Gal et son superbe dessin, hyper détaillé, avec Les Armées du Conquérant, autre très bon récit de ce numéro, scénarisé par Dionnet. Et l’on découvre quelques curiosités : le très punk et glauque Rock’n roll suicide de Caro (qui réalisa les films Delicatessen et La Cité des enfants perdus avec Jeunet par la suite et a récemment collaboré au tome 2 de Tremen avec le hollandais Bos) ; l’étrange L’expérience religieuse de Philp K. Dick de Crumb ou encore le très bon mais désabusé Aux Premières loges signé Lob et Ted Benoit (qui reprendra plus tard Blake et Mortimer). Un numéro 2 passionnant qui donne tout son sens au principe d’alternance voulu par la nouvelle équipe. Bourré d’anecdotes, il propose, en prime, bon nombre de couvertures mythiques du magazine. Incontournable pour tous les fans de BD !
(Mook, 288 pages – Vagator Productions)