BD. Féru d’histoire, Morvan s’était intéressé à Missak Manouchian et à son groupe qui semait la terreur dans les rangs allemands à Paris lors de l’occupation. Mais c’est Madeleine Riffaud (dont le scénariste est en train d’écrire la biographie en BD avec Bertail dans Madeleine résistante) qui l’a vraiment convaincu d’en faire un livre. Pour la résistante, Manouchian, Cloarec, Fontanot, Boczov ou Alfonso sont ses héros, ses guides. C’est quand elle les a vus, ceux de la fameuse affiche rouge, s’en prendre à des troupes allemandes paradant sur la place de l’Odéon qu’elle a décidé de rejoindre la lutte armée. La panthéonisation annoncée de ces héros (il ne faut pas oublier la femme de Manouchian, Mélinée !) de la résistance a aussi dû aider Morvan à convaincre l’éditeur.
Dans ce récit, Morvan a décidé, comme son titre l’indique, de ne pas uniquement se focaliser sur Manouchian mais sur son groupe entier. Car s’il fût une cheville ouvrière majeure de leurs actions (d’innombrables attentats contre les intérêts allemands, des collaborateurs français délateurs ou des sites stratégiques), Manouchian a pu compter sur le courage de toute une équipe qui comprenait aussi des femmes, même si on en parle moins, comme son épouse Mélinée, qui rédigeait ses rapports ou Monique qui était chargée d’apporter les armes sur les lieux choisis pour s’attaquer aux allemands puis de les récupérer ensuite pour protéger la fuite de ses collègues. Et si le scénariste revient sur l’enfance de Manouchian (ses parents firent partie des victimes du génocide arménien), son arrivée en France (apatride, il avait bénéficié d’un passeport « Nansen » et avait choisi de venir en France parce que c’était « le pays de la liberté et de la révolution ») et ses sympathies syndicales et communistes pour que l’on comprenne d’où vient cet idéal de liberté et de justice que Manouchian portait en lui, il ne s’appesantit pas sur cette période, préférant concentrer l’essentiel du récit sur le combat de tout le groupe Manouchian, dont 24 membres furent tués (les 23 hommes furent fusillés au Mont Valérien et Olga Bancic, que l’on oublie parfois, fût décapitée en Allemagne) suite à l’attentat manqué de la Rue Lafayette du 12 novembre 1943, et tous les risques qu’ils prirent pour affaiblir l’occupant allemand et ouvrir la voie à la victoire.
Beaucoup de livres vont sortir sur Manouchian et son groupe, forcément, mais si vous avez envie d’en lire un, cela pourrait être celui-là. Parce qu’il met l’ensemble du groupe en exergue plutôt que son chef opérationnel, passé à la postérité grâce à l’affiche rouge qui le mit en avant ou à Aragon qui le cita dans l’un de ses poèmes. Et parce qu’il est mis en images avec efficacité, dans une veine réaliste idoine, par un tout jeune dessinateur, lui aussi de descendance arménienne, Thomas Tcherkézian, qui propose, notamment, des portraits en noir et blanc émouvants (pleine page, réalisés à la palette graphique) de tous les membres du groupe. L’autre atout de Missak, Mélinée et le groupe Manouchian est son cahier historique proposé en bonus à la fin du récit qui revient plus en détails sur l’histoire du groupe à l’aide, notamment, de documents et de photos d’époque.
(Récit complet, 160 pages – Dupuis)