1978, Munich. Manfred Sternschnuppe est ingénieur en aéronautique. Alors qu’il travaille, avec l’un de ses collègues, au système de lancement de leur fusée dans les locaux d’Otrag, il reçoit un coup de fil de son directeur : il est nommé responsable de la base de lancement de Mobutu, en remplacement de Hohenberg, et doit se rendre sur le champ au Zaïre, dans la savane de Shaba, pour superviser la construction, et le lancement !, de la première fusée africaine…
Non, non, vous ne rêvez pas : l’histoire n’est pas très connue mais Mobutu avait bel et bien lancé son pays dans un programme aéronautique pharaonique pour se mêler à la conquête de l’espace avec les plus grandes puissances mondiales ! Et si Ducoudray a bien sûr romancé un peu l’ensemble, son Mobutu dans l’espace est basé sur des faits réels !
Un récit parfaitement truculent (dans la lignée de La faute aux chinois, déjà sorti chez Futuro, avec François Ravard au dessin) qui tire tout son sel de la confrontation de ce jeune ingénieur allemand inexpérimenté et naïf avec les us et coutumes africaines. Bakchich extorqué par la sécurité à l’aéroport, armée qui a quasiment droit de vie ou de mort sur les citoyens, rapport au chef déroutant (la population voue un véritable culte à Papa Mobutu, tyran notoire…) : Manfred va ici de surprise sidérante en découverte abracadabrantesque. Et on n’a pas encore parlé de la folie des grandeurs de Mobutu (qui s’était, entre autres faits glorieux, rebaptisé Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu Wa Za Banga : Mobutu le guerrier qui va de victoire en victoire sans que personne ne puisse l’arrêter), maréchal-président autoproclamé (et protégé par la France et son ami Valéry…) qui vit dans un palais somptueux, s’est réservé une rue (l’avenue du 30 juin, qu’il est le seul à pouvoir emprunter), dans Kinshasa, pour s’y rendre, envoie son avion privé en France se ravitailler en bouillabaisse, saucisson ou grands crus quand il organise des soirées ou dépense des millions pour voir, un jour, une fusée à son effigie rejoindre l’espace pendant que la population meurt de faim…Tellement surréaliste que l’on ne sait plus si on doit en rire ou en pleurer. Une ambivalence sur laquelle Ducoudray et Vaccaro (avec un dessin brut, fait de crayonnés poussés qui restent cependant proches du rough, sans mise en couleur) jouent ici avec talent. Très recommandé.
(Récit complet – Futuropolis)