ROMAN. A l’adolescence, Dominique aurait bien eu besoin de parents aimants et compréhensifs : ayant poussé comme une asperge, il était régulièrement la cible de moqueries et n’a pas vraiment bien vécu cette période. Ils se sont montrés, au contraire, distants et peu encourageants. Alors, à 18 ans, Dominique est parti de la maison et est devenu éducateur spécialisé avant de rapidement décider de travailler dans un foyer pour ados en difficulté. Histoire probablement de leur offrir l’écoute qu’il n’a jamais eu. Mais à force de s’investir dans son boulot (ses ados sont du genre asociaux…), il n’a pas vu les signaux d’alarme envoyés par sa compagne Patti qui, lassée d’être, elle mais aussi le petit Léon, délaissée, a décidé de claquer la porte du domicile conjugal…Et c’est pile le moment que choisit le nouveau directeur du foyer pour lui mettre la pression au boulot…
Sœurs violentes et imprévisibles capables de faire tourner une sortie au cinéma en baston générale ; foyer d’handicapés mentaux qui planque du cannabis dans des petits pots de cactus pour arrondir les fins de mois ; retrouvailles hallucinées avec son père qu’il n’avait pas vu depuis des années dans les bois ; baignade nocturne dans le lac de Pierre percée qui vire aux Dents de la mer : Mobylette est une plongée déjantée dans le monde des foyers sociaux mêlée à la crise de la trentaine entre Vosges et Moselle. Une région que Frédéric Ploussard connaît bien pour y être né et qu’il n’épargne pas vraiment, brossant un portrait acide de la faune qui l’habite. Et notamment de beaucoup de parents, dont le père du narrateur (“Je m’imaginai alors une faction de seconde un possible encouragement de sa part. Il se figea à ma hauteur, livide. Une connexion aurait dû se faire dans son cerveau de pédagogue et, à voir son visage soucieux, elle ne se faisait pas souvent”), qui auraient probablement mieux fait de ne jamais l’être. Pas étonnant que les jeunes soient perdus dans Mobylette…Un récit mené sur un rythme effréné (Dominique aurait certainement mis un carbu de 18 et un pot Malossi sur sa mobylette si ses parents lui avaient offerte un jour), les scènes cocasses succédant aux chapitres délirants, écrit dans un style mordant souvent drôle (“Mathias ressemble à un greffé du foie qui n’arrive pas à se faire à sa nouvelle glande”) et volontiers ironique. Le trait est parfois un peu trop épais à notre goût (et pas seulement parce qu’on est lorrain…) mais Mobylette nous emporte malgré tout facilement dans son sillage !
(Récit complet, 416 pages – Editions Eloïse d’Ormesson)