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MOI, MENTEUR (Altarriba/Keko)

BD. Adrian Cuadrado est le conseiller en communication du PPS, le parti démocratique populaire, au pouvoir en Espagne. Et il a du travail ! Car les élections approchent et le parti doit faire face à de nombreux procès pour corruption. Mais Adrian sait faire : il sait choisir avec soin les éléments de langage qui seront repris, moyennant une belle enveloppe, par les principaux médias du pays. Il sait aussi allumer des contre-feux (comme le désir de souveraineté des catalans) pour que les espagnols regardent ailleurs et oublient les magouilles du gouvernement. Il a véritablement élevé le mensonge au rang d’Art ! Dans sa vie professionnelle mais aussi privée puisqu’il mène une double vie : la première avec sa femme et ses deux enfants à Vittoria et la seconde avec sa pulpeuse maîtresse à Madrid. Mais la découverte, dans sa ville, de 3 têtes décapitées dans des bonbonnes de verre va lui compliquer la tâche, d’autant que les têtes en question appartiennent à des conseillers municipaux de son parti…

Après le milieu de l’Art (Moi, assassin) et l’industrie pharmaceutique (Moi, fou), Altarriba et Keko ont cette fois décidé de planter le décor du dernier volume de leur trilogie dans le monde politique. Et le moins que l’on puisse dire est que les 2 hommes frappent fort ! Utilisant une nouvelle fois le cadre du thriller (avec ces têtes décapitées que l’on retrouve régulièrement dans des bonbonnes), le duo brosse un portrait particulièrement sombre et critique des hommes politiques. Capables de tout, ou presque, pour faire carrière et être élus aux plus hautes instances. De mentir, bien sûr, mais aussi de renier leurs idéaux, de pactiser avec l’ennemi, de trahir et même de mettre hors d’état de nuire ceux qui peuvent s’avérer dangereux pour leurs desseins…

Ce n’est pas la première fois qu’une bande dessinée se montre critique envers les politiques mais la charge est ici d’autant plus virulente et efficace que Keko et Altarriba se sont largement inspirés de faits qui se sont déroulés ces dernières années dans leur pays. Et ils le font bien comprendre en choisissant des noms de personnages qui cachent à peine ceux qu’ils visent : ainsi le parti Podemos devient, dans Moi, menteur, Ganemos ; Jean-Claude Juncker, l’ex-président de la commission européenne, Jean-Marie Druncker ; l’ex-premier ministre Mariano Rajoy Godoy (qui est, soit dit en passant, le vrai nom de Keko…) et son parti, le parti populaire le parti démocratique populaire. Autant dire que le livre va faire l’effet d’une bombe dans son pays…D’autant qu’il est particulièrement documenté et réaliste, notamment dans sa façon de décrire l’Art de la manipulation dans lequel les politiques sont passés maîtres…Un récit complètement sombre et désabusé, merveilleusement mis en images par Keko dont le noir et blanc (avec beaucoup de noir, en aplats), somptueux (il est parfois « tâché », cette fois, de vert, après le rouge de Moi, assassin et le jaune de Moi, fou), n’a rien à envier à ses maîtres en la matière, Will Eisner et Alberto Breccia. Un dernier volume qui vient en tout cas idéalement clore cette trilogie du moi totalement indispensable ! Du grand Art !

(Récit complet, 168 pages – Denoël Graphic)

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