Je me souviens du fanzine papier qu’éditait Matthieu Choquet à la fin des années 90, du côté du Mans. Il l’avait appelé Bokson. Je dois en avoir gardé quelques exemplaires à la maison. Influencé par un autre fanzine de l’époque, le célèbre Kérosène de l’ami Dan, on pouvait y croiser les groupes immanquables du moment, de Fugazi à Burning Heads. Et comme Positive Rage, ou tant d’autres fanzines, aux débuts des années 2000, alors qu’Internet offre de nouvelles possibilités, Matthieu passe au tout numérique, d’abord en gardant le nom Bokson, puis en devenant Mowno en 2009. Le webzine, qui s’intéressait aux scènes hardcore, post-hardcore, indie ou noise rock, va alors élargir son spectre en s’ouvrant à des musiques plus mainstream comme le rap, ou la pop, devenant ainsi plus éclectique, et en même temps plus « professionnel » (dans le sens moins bricolé). Mais le moteur de l’équipe (qui s’élargit elle aussi) reste la passion. Et les groupes français obscurs du milieu indé continuent d’avoir une place sur le site au milieu du dernier Kanye West ou de Franz Ferdinand.
Matthieu, et les nombreux nouveaux contributeurs, vont continuer d’interviewer depuis plus de 20 ans tous les groupes qu’ils aiment, connus ou pas. Ils croisent ainsi, au fil du temps, la route de Fugazi, Condense, At The Drive In, Chokebore, Battles, Metz, Sleaford Mods, Dälek, Andy Sauf, Bodega, Frustration, Suuns, Low et tant d’autres (100 rencontres au total). Et, comme le papier reste malgré tout un objet plus confortable et affectif que le web, Mowno regroupe aujourd’hui, pour ses 25 années d’activité, les principales interviews dans un joli livre qui rappelle les codes des fanzines papier. Et on se régale de lire ou relire les entretiens avec ces artistes si marquants. Une nouvelle façon de lire le travail fourni par Mowno et Matthieu Choquet, comme un chaînon manquant entre le fanzine papier Bokson et le site actuel.