“Je suis un ancien du Vietnam. J’ai rempilé une deuxième année et je me suis pris une balle en zone démilitarisée qui m’a laissé paralysé de la poitrine jusqu’aux orteils […] Puis je leur ai parlé des hôpitaux de Vétérans, de la manière inhumaine dont on y traitait les soldats rapatriés du Vietnam, leur ai expliqué comment, à l’hôpital du Bronx, j’étais plus d’une fois resté dans ma merde en attendant l’aide d’un infirmier qui ne venait pas”. C’est Ron Kovic qui parle dans cet extrait de “Né un 4 juillet”. Beaucoup de monde a vu, ou entendu parler, du film “Né un 4 juillet”, d’Oliver Stone, avec Tom Cruise, ignorant peut-être que c’est, à l’origine, un livre écrit donc par ce vétéran du Vietnam et paru en 1976 (il a fallu attendre1990 pour que Calmann-Lévy le publie en France) et qu’Akashic Books (maison d’édition créée par Johnny Temple, bassiste de Girls Against Boys) a ressorti en 2005, en pleine guerre d’Irak.
“Né un 4 juillet” est un choc, et même un double choc. Ron Kovic y raconte SA guerre du Vietnam, si éloignée de la version officielle, et son combat pour ensuite continuer à vivre, de retour au pays. Dans un style cru et percutant, il explique comment, gamin, à force de discours patriotiques enflammés (signés Kennedy, par exemple) entendus à la télévision ou de propagande nationaliste exercée à l’école, il ne rêvait, avec ses copains, que de s’engager dans les Marines pour devenir un véritable héros de la nation comme John Wayne dans “Iwo Jima” ; comment une fois arrivé au Vietnam il fut contraint de voir et perpétrer des horreurs qui ont à jamais souillé son âme ; comment, de retour aux Etats-Unis, après avoir perdu l’usage de “ses jambes et de sa queue” suite à une balle reçue dans la colonne vertébrale, il se rendit compte du peu de cas que le gouvernement faisait de ses vétérans en les laissant croupir dans des hôpitaux sous-équipés et insalubres (les patients donnaient à manger aux rats pour éviter qu’ils ne leur grignotent les orteils pendant la nuit), aux mains d’un personnel peu qualifié et souvent méprisant…Un véritable chemin de croix (adolescent, Kovic était un fervent croyant…) qui transforma complètement notre homme qui trouva heureusement, ensuite, dans son combat pour la paix (il rejoignit par la suite l’association des Vétérans contre la guerre et intervint beaucoup, dans les médias et les écoles, pour montrer le véritable visage, loin des mythes américains, de la guerre) un nouveau sens à sa vie.
Un témoignage coup de poing que 13e note a eu la très bonne idée de ressortir en France dans une édition intelligente qui replace, grâce à une nouvelle préface de l’auteur et à une postface de Gerald Nicosia, qui avait travaillé avec Kovic sur sa biographie (jamais parue), ce texte poignant dans le contexte dans lequel il a été écrit. Texte qui reste d’une incroyable actualité ! Car rien ne semble avoir changé. Ce que les soldats du Vietnam ont vécu s’est reproduit quasiment à l’identique avec la guerre en Irak : le stress post-traumatique, la difficulté de reprendre une vie normale de retour au pays, le mépris et l’ingratitude des autorités face à la détresse des vétérans (dont Olivier Morel nous parlait d’ailleurs récemment dans son interview toujours disponible sur le site)…Voilà pourquoi la lecture de “Né un 4 juillet”, chef-d’œuvre anti militariste, est toujours aussi nécessaire !
(Récit autobiographique – 13e note éditions)