BD. Décidément, Reinhard Kleist n’aime rien mieux que plonger dans la vie de personnages célèbres, sonder leur âme pour y observer rêves, peurs, fantômes ou peines et en livrer sa propre vision. Ainsi, après avoir réalisé des bios de Castro ou Johnny Cash, il s’est cette fois attaqué à celle de Nick Cave. Pour notre plus grand plaisir. Déjà parce que Cave est l’une des figures marquantes du rock mais aussi parce que Mercy on me est une grande réussite, un récit aussi singulier que saisissant. Une plongée hallucinée dans la psyché de Cave.
Pour mieux montrer la nature tourmentée de l’australien, Kleist a en effet décidé de brouiller les frontières entre réalité et fiction en donnant la parole aux personnages de ses chansons, qui viennent littéralement hanter leur créateur pour lui demander des comptes. De son envie initiale de sortir de la médiocrité de son quartier de Melbourne en faisant du punk avec Boys Next Door, son premier groupe, et de provoquer les bourgeois au départ de la formation (qui se rebaptisa rapidement The Birthday Party) pour Londres pour chercher le succès en passant par la pause Berlin ou les dissensions au sein du groupe qui menèrent à sa rupture puis à la création de Nick Cave and the Bad Seeds, on suit un Cave perpétuellement tiraillé entre désir de reconnaissance, culpabilité, désir d’immortalité, dépendance à la drogue et besoin d’exprimer ce qu’il a en lui et le maintient en définitive vivant. Toujours sur le fil du rasoir. A tirer le diable par la queue. Mais vivant.
Un combat intérieur que Kleist dessine avec brio. Sombre, inventif et surtout habité, son noir et blanc se montre à la hauteur de son personnage principal et fait de son nouveau récit un très grand cru.
(Récit complet, 304 pages – Casterman)