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NICOLAS POISSON : de Ned aux Rubiks

Nicolas Poisson, ça ne vous dit rien ? Guitariste/chanteur de Ned et des Rubiks, co-fondateur du label SK, et anciennement guitariste du Blues Butcher Club… Impossible de ne pas avoir croisé son chemin au moins une fois… A travers toutes ses activités, l’homme est le client idéal pour une interview digne de ce nom, et comme il passait justement dans les locaux de Positive Rage, c’était le moment de faire le point avec lui…

Ton vrai job c’est quoi ? Guitariste de NED, co-directeur de SK records, ancien guitariste de Blues Butcher Club, Soliste Black metal en République Tchèque, accompagnateur de Duracell, guitariste des Rubiks, ou driver de Toychestra ?

Driver de Toychestra avant tout bien sûr, je ne joue guère plus de black métal depuis que je suis témoin de Jéovah. Je ne suis pas non plus co-directeur de SK. J’en suis le co-fondateur mais je suis le seul des deux qui reste vraiment actif dans l’histoire même si le deuxième est toujours dans les parages comme éminence grise. Ça ne fait pas non plus de moi le seul directeur, on reste plusieurs. Mais à la base le truc c’était d’être un collectif de musiciens avec des attentes et un but un peu commun, on a un peu réussi. Et un peu échoué aussi…

C’est à dire ? C’était quoi le but de SK ? Vous aviez des exemples que vous vouliez suivre ?

Oui bien sûr l’inspiration première c’est Dischord, l’idée que tout simplement il suffit de faire toi même ce que tu as envie de faire sans rester dans ta salle de répète pendant huit ans en attendant de signer un ‘contrat discographique’ et qu’après tu te rende compte que tu n’est pas le seul et que ces groupes là te ressemblent, ont les mêmes attentes et les mêmes affinités que toi et que si tu t’aides toi tu les aides aussi. Je dis dischord parce que c’est le plus parlant pour plein de gens mais il y en a plein d’autres, même dans un registre un peu plus controversé Laibach est un collectif incroyable il y a les musiciens Laibach, les sondiers Laibach mais aussi les peintres, les théatreux, les architectes Laibach. C’est le principe de l’utopie du rêve Californien autogeré, les oulipistes et autres surréalistes, c’est un peu niais mais c’est beau.

Tu peux nous parler de vos projets. J’ai l’impression que le label est en pleine activité, que vous avez des projets avec des nouveaux groupes…

Ben oui alors le projet le plus chaud bouillant c’est un projet de six split-dix pouces, intitulé DOUZE SALOPARDS. Chaque groupe choisit une personalité connue, vivante qui incarne pour lui un SALOPARD. Graphiquement, ça donne un portait de salopard (peint par Tristan) par face de pochette. Je pense que ça va pas mal claquer, si on ne se chope pas un procès au cul… Dans les groupes présents oui il y a des nouveaux groupes SK, dès le premier split d’ailleurs. CHEVIGNON avec Andrew Dymond (qui a joué dans Happy Anger, puis dans Plod et qui joue aussi dans The Rubiks), Pif et Dich eux jouaient dans un groupe qui s’appelait Bâton et Raph était star de ciné. MARYPOPPERS vient de nulle part mais se défend très bien en outsider, ils vont même sortir un album parce que justement ils ont la frite et ils ont envie de bosser. Là c’est le producteur qui parle. Dans les splits suivants il y aura MARVIN, DOPPLeR, RADIKAL SATAN, CHEWBACCA et THE RUBIKS. Je sais ça fait pas le compte mais tu n’en saura pas plus…

Bon, maintenant qu’on y voit plus clair avec le label SK, et pour définitivement passer à autre chose, tu me confirmes que SK sont bien les initiales pour Sexe et Kronembourg ?

(rires)… Il y a pleins de gens qui font leur petites spéculations. Certains sont même persuadés d’avoir le bon (comme moi, ndlr)… mais en fait, c’était juste notre “gang” au lycée. À cette époque, on détestait tout le monde. On était dans un lycée de bourgeois et Tristan et moi étions les seuls punks ! Donc voilà, c’était juste deux lettres qui faisaient un peu peur, un peu société secrète, rien de plus. Et donc, tout le monde y va de sa petite spéculation. J’ai entendu des trucs vraiment débiles du genre “Serial Killer” ! mais “Sexe et Kronembourg”, c’est vraiment pas mal !!

Passons à NED, le groupe dans lequel tu chantes et joues de la guitare… Pourquoi avoir enregistré le dernier album à Hambourg ? Vous ne trouviez vraiment rien qui vous corresponde ici ?

Les seuls plans qu’on connaissait, c’est un peu les deux endroits où tout le monde va, et où on avait pas envie d’aller. Soit Fred Norguet, soit le Black Box qui était, lui, en dehors de nos moyens. On avait pas envie d’aller non plus aux Forces Motrices à Genève, et à Lyon, il n’y a rien de vraiment bien. Nous avons connu Heiko et Henry à Hambourg qui étaient prêts à le faire… Henry Lafrenz, qui habite maintenant à Berlin, fait un label qui s’appelle “Jungs und Mädels”, et il jouait dans un groupe qui s’appelait “Soupe de Nul”. En fait ce sont des gens qui sont connectés au Cesta (lieu de vie culturel et festival développé par le duo Sabot en République Tchèque, ndlr), et qu’on a donc connu là-bas, au fil des étés. Il y avait donc cet opportunité là. C’était effectivement un peu compliqué d’y aller, mais on s’est arrangé… on est parti en bus Euroligne !

Vous n’aviez pas votre matériel ?

On avait juste ma tête d’ampli et l’énorme grosse caisse de Nico, et les trucs habituels, caisse claires, instruments, etc. Et on est parti en bus avec l’énorme grosse caisse de Nico, bourrée de fringues ! Tous nos sacs étaient dans la grosse caisse ! On s’est d’ailleurs fait engueuler et on a dû payer une amende !

Et alors, l’enregistrement s’est bien passé ?

C’était super classe ! On était hébergé chez Heiko qui habitait à 20m de la maison des Beatles quand ils habitaient à Hambourg, et on est vraiment tombé amoureux de cette ville. Depuis on y est retourné plusieurs fois, et c’est vraiment notre seconde ville. C’est une ville fantastique ! C’est une ville immense, partiellement détruite pendant la guerre et du coup hyper-reconstruite mais d’une façon vraiment mégalo, avec de vrais beaux bâtiments des années 60/70, vraiment imposants. Tu as un port gigantesque et du coup, tout dans la ville est utilisé pour y stocker des containers. C’est, je crois, le deuxième port d’Europe après Rotterdam, et n’importe quel terrain vague en ville est utilisé pour y mettre des containers ! Du coup, tu as des montagnes de containers qui font parfois la taille d’immeuble ! Et ça sent le café dans toute la ville alors qu’il fait super froid ! Tu as des montagnes de voitures qui attendent de partir, comme ça, en pleine ville ! et il y a une scène musicale incroyable. C’est beaucoup mieux que Berlin. Berlin, tu as cette hype des années 2000, avec Berlin-Est et ses trucs electro, mais Hambourg, ce n’est pas la “hype”, c’est le travail. Allez s’installer à Berlin aujourd’hui s’est être suiveur, car tu arrives après, tandis qu’à Hambourg, tu n’arrives jamais après car il n’y a pas de “hype” ! Ça me rappelle un peu Lyon en fait.

Donc il y a beaucoup de groupes, de salles, etc. ?

Oui. Je ne connais pas beaucoup de groupes, mais des salles, il y en a de tous styles. Ça va de La Rotte Flora qui est un énorme endroit de Crust, une sorte de squat gigantesque et complètement crust, jusqu’aux clubs un peu avant-garde ou aux salles de concerts classiques. On s’y sent bien immédiatement malgré le froid et le fait que les gens soient accueillants comme des Allemands du Nord !

Bon, puisque tu as pas mal voyagé avec Ned, peux-tu nous dire quel est pour toi le pays le plus rock’n’roll, et pourquoi ?

Je ne catégorise pas comme ça. Il y a des endroits où nous retournons souvent parce qu’on a tissé des liens avec les gens et qu’à chaque fois c’est génial, et qu’on trouve qu’il y a une scène qui vaut le coup. Alors nos endroits préférés en Europe, ça se compte en terme de villes, et pas en terme de pays. Il y a Hambourg évidemment, Leipzig qui est incroyable, Zagreb aussi. On ne s’ennuie jamais de retourner dans ces endroits là parce qu’on ne sait jamais comment cela va tourner ! C’est à chaque fois nouveau, et c’est à chaque fois un enchantement. Que ce soit au niveau de l’ambiance ou des gens, ça prend. mais je n’ai pas de préférence. On a fait des concerts géniaux en France.

Si un groupe vient te voir en voulant partir à l’étranger, quel endroit tu vas lui conseiller ?

Si il doit partir à l’arrache et que c’est un jeune groupe, il faut qu’il essaie l’Allemagne. C’est facile, et les gens sont toujours relativement accueillants. Ça se passe toujours bien, il n’y a pas d’embrouilles avec des plans vraiment pourris. Bon, il y a toujours des endroits à éviter mais moins.


Pendant qu’on y est, tu peux nous raconter une petite anecdote de tournée bien croustillante dont les lecteurs de Voici sont accros…

Y en a tellement ! On arrive un jour a Zagreb, dans un club assez pro, avec une vraie scène, une vraie sono, un vrai bar, etc. Donc on arrive là après une série d’aventure horribles en Autriche… on arrive vers 23h… Nos copains a Zagreb étaient là à nous attendre. Ce sont des gens plutôt rigolos et assez extravagants. Ils s’habillent de façon bizarre. Une copine avait par exemple des ballons d’hélium accrochés à sa veste, et vu qu’elle est toute petite, on aurait dit qu’elle allait s’envoler… Bref, tout le monde est hystérique de nous voir enfin arriver, et en fait, ils avaient mis en première partie, leur groupe et un type qui chantait dans la rue, genre un chanteur de métro… C’est un gros type assez dégueu d’aspect et hyper maniéré qui chante des tubes de variété croate en karaoke avec une voix de castra ! Il l’avait chopé dans le métro et ils lui ont proposé de faire la première partie de Ned ! Il a joué avant nous et il a rejoué après, mais complètement raide… impossible de l’arrêter ! C’était vraiment à hurler de rire !

Vous devriez éditer un petit livret de vos aventures.

Il y en a un peu sur le site. Jonathan, le batteur de Radical Satan avait eu l’idée d’éditer un petit livre avec les histoires de tournées… et je pense que les tournées de Radical Satan, c’est quelque chose aussi ! Et entre les notre et les leurs, on remplirait facilement un livre ! Y avait aussi Clément qui fait le fanzine Blah Blah Blah qui m’avait demandé un des carnets de Tristan pour mettre dans son fanzine… Malheureusement, je lui avais dit oui avant que Tristan soit d’accord et il n’était pas d’accord !!

On y vient… Justement, qu’est-ce qui t’énerve le plus chez tes deux amis de Ned ?

Nico (batterie), il est d’une mauvaise fois rarement atteinte ! Et il est machiavélique aussi. C’est à dire qu’il s’arrange toujours pour arriver à ce que tu fasses ce qu’il voudra. Par exemple, que tu habites a l’autre bout de la ville ou pas, Nico arrivera toujours à ce que tu le ramènes devant chez lui ! Il se mettra toujours à la place qu’il préfère dans le camion. Il est très dur en affaire, il négocie tout. C’est parfois énervant mais surtout drôle. Tristan (basse/chant), il est… c’est difficile de lui trouver un vrai défaut. Il en a à la fois pleins et aucun. En fait, il n’a tellement pas de défauts qu’il en a beaucoup ! Si, il rouspète. Son défaut principal, c’est qu’il est capable de te faire descendre ton enthousiasme en une phrase ! T’as prévu un truc que tu trouves génial, mais vraiment génial, et lui, si tu as le malheur de lui parler en dernier, il va te rabaisser avec des mots parfois super dur. C’est le truc que je vis le plus mal chez lui. Il te dit pas que t’es un con, mais son argumentation te rabaisse. Sinon, il est parfait.

Et eux, qu’est-ce qu’ils te reprochent ?

C’est difficile à expliquer mais c’est quand je m’avance sur des trucs avant d’avoir vérifié, comme je te le disais tout à l’heure. Parfois je m’embarque trop vite dans des trucs sans avoir vérifié avec les autres. Et parfois ça a des répercutions sur eux. Je pense que ça doit beaucoup les agacer !

Quand tu étais gamin, tu voulais être guitariste ?

Ouais. Je faisais du violon, mais je détestais ça ; je voulais être un rocker !

Tu as fait pleins de groupes… Tu avais un besoin boulimique ?

Non, j’étais sollicité pour des trucs qui me branchait vraiment. Il y a eu une période où je jouais dans 4 groupes mais ça n’a pas été très long. Il y avait Ned, Blues Butcher Club, Miss Goulash, et les Rubiks ! Quoique, je crois que j’ai arrêté Miss Goulash avant de commencer les Rubiks, donc mon maximum ça a dû être 3 groupes. Mais c’était assez compliqué. Surtout avec le Butcher Club parce que je ne pouvais pas me permettre d’être présent au répète juste en amenant ma façon de jouer, il fallait plus. Je jouais avec des mecs dont c’était l’exutoire de leur semaine de travail… et moi j’avais déjà tout ça. Eux ils étaient demandeurs, ils voulaient répéter souvent, et moi je ne suis pas un très grand répéteur… En général, je répète peu avec les groupes que je fais. Ned, on répète peu… Rubiks aussi… tandis que Blues Butcher Club, on répétait 2 fois par semaines, on jouait souvent les mêmes morceaux, c’était une vraie répétition comme la plupart des groupes l’entendent. Et moi, ce n’est pas ma façon de faire. Avec mes autres groupes, on composait et puis après on allait jouer mais on ne travaillait pas la musique. C’était brute. Surtout avec Ned, on ne s’emmerde pas à faire tourner des morceaux en répète. On compose et ensuite c’est bon. Ceci dit, je suppose que ça ça marche si tu fais beaucoup de concerts.

Tes parents ont-il écouté tes groupes ?

Ned, vaguement. Je crois qu’ils aiment pas trop. Mais ils ne sont pas très mélomanes. ils aiment l’opéra. ils ne sont jamais venus à un concert. je pense que ça les emmerderait. Ils ne bannissent pas le fait que je fasse de la musique mais je pense que ça ne les intéresse pas trop.

Toi, tu as une préférence entre tes groupes ?

Non. Disons que Ned restera toujours mon groupe principal ; c’est eux que je connais le mieux. C’est impossible que Rubiks passent devant Ned par exemple. Ned existe depuis toujours et existera encore longtemps. J’adore les Rubiks mais mon groupe c’est Ned. On a pas été au lycée ensemble par exemple, et ils n’ont pas le même âge, Seb et Andrew sont un peu plus vieux que moi. Les autres Ned sont un peu plus jeunes que moi !

Et les Rubiks, ça en est où ?

On sort un split avec Lighter qu’on a enregistré a Grnd Zero. C’est difficile de dire où on en est, car on a un rythme très très lent. On répète peu donc on compose peu. Il faudrait qu’on fasse un peu plus de concerts aussi parce qu’on en fait peu. mais quand on joue, c’est juste mortel. C’est un plaisir non quantifiable !

Tu peux nous rappeler le concept de ce groupe pour ceux qui ne connaissent pas l’histoire ?

C’est le popstar de l’underground ! C’est Olivier Gignoux, qui fait un label qui sort principalement des compilations (La Pluie et le Beau Temps, Mr Kaugumi, ndlr) qui nous aimait tous les trois, et qui nous a réuni pour faire un groupe ensemble, le groupe de ses rêves. Il nous a dégoté une semaine au Mandrac à Grenoble et les Rubiks étaient nés ! C’était en pleine période Popstar, c’était marrant. On faisait la punk academy ! Mais maintenant, c’est un vrai groupe. Et c’est le groupe le plus facile que j’ai jamais connu ! On se comprend tout de suite. La première semaine à Grenoble, un pote à nous nous a prêté une cassette vidéo sur une émission spéciale Black Sabbath, et on a tripé là-dessus ! Du coup, ça se ressent.

Pour finir, si je t’offre le moyen de faire ce que tu veux dans la musique, sans limite, qu’est-ce que tu ferais ?

Le Total Noise Orchestra ! De la musique cinématique avec tous les musiciens que j’adore… avec entre autres les Doppler, vous et tous ceux qui gravitent autour de nous…

Ça resterait autour de tes amis… pas du tout d’idoles ?

Ouais. Mes grandes idoles ? Si un jour Fred Frith me téléphone pour faire un duo avec lui, c’est sûr, je chie dans mon froc et j’y vais avec un sourire impossible à enlever, mais je ne ferais pas tout pour ça.

Il ferait partie du Total Noise Orchestra ?

Non. Le Total Noise Orchestra ce serait tout mon gang… et on est plein ! Si je pouvais faire une musique cinématique simple à composer pour 30 musiciens dégénérés, ce serait génial. Ça s’appellerait Marvelous Noise Orchestra plutôt que Total. C’est plus mégalo !

NED
 www.skrecords.org/groupes/ned.html
THE RUBIKS
 http://therubiks.free.fr/

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