BD. Dans ce futur-là, la France est dirigée par des éco-patronnes-présidentes, des néo-féministes fascistes qui ont voté pour interdire les couples binaires non racisés, le droit de fumer et boire de l’alcool et ont imposé le véganisme à toute la population. Bref, une société pas vraiment faite pour Jean-Claude Belmondeau qui va le soir Chez Pedro se bouffer du steak bien saignant fourni par une filière fermière clandestine et qui résiste en bossant pour une organisation indépendante qui lutte contre l’hégémonie des mastodontes de l’économie prêts à tout pour se faire du fric. Cette fois, il a été chargé de mettre la main (autrement dit de voler…) des documents prouvant l’extrême dangerosité d’un minerai, le grantium, qui va être utilisé pour la production en série de millions de navettes individuelles permettant à des mecs friqués de faire des voyages interstellaires. Sur son chemin, il va trouver Halen Brennan, embauchée par la boss de Stella, la compagnie qui va exploiter le fameux minerai, pour récupérer les documents et tuer celui qui les a volés. Inutile de dire que ça va faire des étincelles…
Ce futur-là, Corbeyran et Jef n’en veulent pas. Un monde où l’on risque la taule si on sourit à une femme, où on ne peut ni boire ni fumer, où la viande a été interdite et où tout le monde est sans cesse connecté à son ear-phone ? Pas question. Et ce récit d’anticipation décapant est surtout un prétexte pour déclarer leur amour à tout ce qui fait le sel de la vie. Le scénario tient la route, et bien (il est notamment hyper rythmé), à défaut d’être original mais No Future vaut surtout pour les nombreuses banderilles que Jef et Corbeyran (que l’on retrouve ici en grande forme) plantent tout du long dans des dialogues vraiment truculents. Les bobos (“ces connards de bobos qui ne foutent les pieds à la campagne qu’une fois par an et encore surtout quand il ne pleut pas”), l’écriture inclusive (“tarte”), les sénateurs (“des momies séniles”), les végans (“bouffeurs de boulgour à trottinette”), le vaccin contre le Covid (“la manif contre la 137e dose en 2050″) et j’en passe… : à l’image d’Halen (comme Van Halen, le groupe de hard-rock) Brennan dans le récit, le duo tire sur tout ce qui bouge. Alors réac No Future ? Non, juste une ode libertaire punk à la vie qui fait sienne la morale de Brassens : “celle de gens de la rue…ceux qui n’ayant pas d’idéal sacrosaint se bornent à pas trop emmerder leurs voisins !” Et qui s’opposent à l’ultralibéralisme qui préfère polluer et saccager la planète que de faire moins de profits. Roulent en R16 (“magnifique fleuron d’une civilisation perdue”) et regardent des films de Belmondo et Delon aussi…Un récit réjouissant mis en images à l’ancienne, cela ne vous étonnera pas, par Jef avec ce trait qui rappelle Baru.
(Récit complet, 128 pages – Delcourt)