COMICS. Bulle d’Atlanta, 2056. Cela fait 10 ans que la loi de remplacement a été promulguée : les robots, bien plus performants, ont remplacé les humains sur le marché du travail. A la retraite, ceux-ci dépendent désormais de leur dombot, le robot domestique qui a été alloué à chaque famille pouvant se le permettre, pour assurer leur subsistance. Certains y trouvent leur compte (après tout, ils peuvent profiter de la vie…) tandis que d’autres sont sans cesse sur le qui-vive, craignant le moment où leur dombot buggera et tuera toute la famille dans son sommeil comme c’est déjà arrivé…La résistance humaine commence donc à s’organiser et des manifestations pour montrer leur désaccord commencent à voir le jour dans les rues. Plutôt que d’entendre leurs revendications, le conseil dirigeant (composé des 5 membres possédant la seule ressource désormais importante, l’intelligence artificielle) décide d’avancer la mise sur le marché des Mandroids, des robots nouvelle génération, customisables, qui ont l’apparence des êtres humains…
Wow, quelle claque ! Cela faisait quelque temps que je n’avais pas lu une BD qui soit la fois aussi flippante et marquante ! Mark Russell nous a en effet concocté là une dystopie aux petits oignons, cauchemardesque et sombre au possible, avec la prise de pouvoir de ces robots qui a réduit les humains à des animaux de compagnie attendant leur retour du travail le soir, docilement, puisqu’ils sont devenus totalement dépendants d’eux ! Des robots qui vont, à leur tour, se sentir complètement inutiles et impuissants quand la nouvelle génération de Mandroids va être lancée…Si le scénario, vraiment habile, fonctionne aussi bien c’est également, bien sûr, parce que Mike Deodato Jr. le met en images avec beaucoup de talent et de justesse. Son dessin sombre (il utilise beaucoup d’aplats de noir), particulièrement réaliste (il fait penser à ce que fait Ponzio sans pourtant travailler à partir de photos !), fait ici des merveilles. La froideur et la puissance menaçante des robots ; l’inquiétude et la fragilité des humains ; l’arrogance des membres du conseil dirigeant ; le manque total d’empathie du système mis en place : tout cela est exprimé avec beaucoup de vérité, si bien que l’on n’a aucune peine à s’identifier aux personnages, et notamment à cette famille humaine qui ne sait plus quoi faire pour retrouver la sérénité. Et comme toute bonne dystopie, Not All Robots (dont le titre fait référence au mouvement #NotAllMen, réaction masculiniste à #MeToo) est un miroir, à peine déformant, de notre présent. Car si le récit est une formidable critique de notre monde ultralibéral et met en exergue la déshumanisation croissante de notre société, il vise avant tout à nous faire prendre conscience du traitement réservé aux femmes dans notre société encore très patriarcale. Un récit coup de poing à lire absolument !
(Récit complet, 122 pages – Delcourt)