Quand on arrive vers 19h, il faut avouer que les différentes salles de mains d’œuvre (seul le rez-de-chaussé est ouvert cette année) sont encore bien vides. L’ambiance fantomatique dans le “dancefloor sauvage” en deviendrait presque glauque. Il faut admettre que la programmation de cette édition était un peu moins imposante que l’année dernière (Frustration, Le Prince Harry, Delacave…). Une seule salle de concert, 5 groupes, et un paquet de DJ pour compléter le vide. Pas vraiment la faute de l’orga, il semblerait que la nouvelle mairie de droite ne veuille plus que la nuit sauvage finisse à 3h du matin. Cette année, la nuit devra se finir à minuit.

Triceps ouvre les festivités et nous attire dans la salle de concert. Les gars, déguisés, nous renvoient à l’époque oubliée du rock alternatif : Batteur en musclor, guitariste vêtu d’un slip, d’une cagoule de catcheur mexicain, et d’une simple bannière étoilée, bassiste en maillot de lutteur moule bite, et chanteur prêt à se lancer dans une partie de football américain. Le moins qu’on puisse dire est qu’ils détonnent dans cette programmation plutôt sombre. Côté musique, c’est du punk élevé aux hormones. Guitare ultra saturée, basse tout aussi sale, volume à burne (un peu cacophonique du coup), chant en français et batterie full force. On ne comprend pas toute la finesse du truc, mais ça a le mérite de réchauffer l’atmosphère. Séance de sport pour tout le monde, avec leur tubesque « slalomer » qu’on se surprend à reprendre en chœur. C’est confirmé, la soirée a bien commencé.
On part tester un quizz de Dkalc sur les manifestations de policiers dans la salle restaurant. Le thème est parfaitement choisi vu les événements qui arriveront plus tard, mais on y reviendra.
En attendant, Les Hopitaux ont déjà enchaîné, et je loupe une bonne partie de leur set. Il faut avouer que je ne reconnais pas du tout le groupe que j’avais vu en première partie de Pop1280 quelques mois plus tôt au Batofar. A l’époque, nous avancions en terrain flippant post-industriel, avec ambiances glauques et bruit blanc. Mais quand je rentre dans la salle, c’est un groupe electro noisy plus classique qui balance ses beats numériques. Le public répond présent, mais je ne rentre pas vraiment dans cette nouvelle formule.
J’en profite pour voir ce que cette cinquième nuit sale et sauvage nous a réservé. Le dancefloor reste bien clairsemé malgré des groupes qui me titillent l’oreille (citons The Intelligence, Frustration ou The Normals pour les meilleurs), mais il faut avouer que le son n’est pas merveilleux. Je continue dans une troisième salle où les plus aventureux pourront se faire tatouer, alors que les plus craintifs s’arrêteront au stand féministo-gothique de la Brigade du Stupre…


Quand je reviens dans la salle de concert, c’est Tropical Horses qui tient en haleine le public. Un mec, seul, aidé d’un ordinateur et d’une guitare, balance son indie-rock à tendance electro. De loin, on a vraiment l’impression d’entendre un groupe. Ce n’est pas du tout ma came, trop lisse pour moi, mais il faut avouer que le mec gère son bordel. C’est ensuite Le Chemin de la Honte qui vient changer d’ambiance. On retrouve Seb Normal (à la batterie) et Lily Pourrie (au chant) du duo Delacave (présent l’année dernière). Ils sont accompagnés d’un bassiste et d’un discret guitariste. Leur rock est abrupte, froid et minimaliste. Fini les déguisements de début de soirée, la fumée et les faux semblants. On navigue au naturel, sans fard. Et si l’ensemble manque encore de charisme, l’aspect brut colle parfaitement à la musique. La basse nous hypnotise, imperturbable. Les titres s’enchaînent alors que les spécialistes demandent déjà les tubes, « La Joie du Métier » ou « Trois sœurs ». J’entends quelqu’un dire que “la fille chante comme Lara Fabian“… et merde, maintenant je n’entends plus que ça… car il y a un fond de vrai. Peu importe, les morceaux sont pas mal et l’ambiance est bonne. Je passe un agréable moment, même si j’en attendais sans doute un peu plus…

Il est bientôt minuit et Headwar ne va pas tarder à monter sur scène. On sait à quoi s’attendre, le groupe d’Amiens devrait facilement mettre le feu à la petite salle, et finir cette soirée en beauté. Je me souviens encore de leur set à la Station, grandiose. Ce soir aussi le groupe a l’air en pleine forme. Comme d’habitude depuis quelque temps, Headwar commence tranquillement, avec une petite ambiance étrange, avant d’exploser sur ses rythmiques bruitistes. Le public rentre dans la danse, entre furie et énergie positive. Headwar sait y faire. Ils s’amusent, suent, tapent sur leurs guitares, et je prends toujours autant de plaisir à les voir. L’ambiance monte encore d’un cran, on commence tout juste à atteindre la puissance de leur danse bordélico-chamanique, quand, soudain les lumières se rallument. J’ai l’impression que nous ne sommes même pas à la moitié de leur set, mais le régisseur annonce la fin. Sans doute dégoûté, le groupe finit dans un joyeux bordel digne des Who, en jetant tous leurs instruments, sans ménagement au centre de la scène. Il est 00h30, et nous comprenons que la police municipale vient d’entrer dans Mains d’Œuvres pour faire finir le concert qui devait clôturer à minuit. Quelques membres du public se mettent à chanter “tout le monde déteste la police”, en souvenir des manifs contre la loi travail. C’est en effet bien venu quand la police est utilisée par une mairie de droite pour faire évacuer une salle de concert parce que la soirée finit 30 minutes en retard un samedi soir. La situation est ubuesque. Quand on sait que les autres nuits sales et sauvages finissaient habituellement à 3h du matin, sans aucun problème à la clé, on a de quoi se poser des questions sur ce qu’est en train de devenir cette ville. Je suis étonné que tout cela ne parte pas plus en sucette tant ce qui se passe (des policiers dans la salle de concerts) est inadmissible… il est temps de rentrer, avec un goût amer en bouche, laissant les autres partir en after à la Station pour le concert de Jessica 93…


photos : [cg]+[mg]