Homme. Né à Limoges en 1975. 1m70. Yeux : vert/marron. Cheveux : brun.
Comment parlerais-tu de Noise Magazine? Que représente-t-il à tes yeux?
Je dirais qu’il s’agit d’un magazine qui n’a guère d’équivalent, d’ailleurs nombreux sont ceux qui ont du mal à cerner notre ligne éditoriale, ou bien qui s’en font une idée fausse. Nous ne sommes pas un magazine metal, ni un magazine pop. Pas vraiment un magazine indie-rock non plus. Et non, nous ne sommes pas davantage un magazine exclusivement noise. Peut-être notre nom porte-t-il à confusion ? Etant-donné que Noise est le seul magazine en France à traiter de manière conséquente des scènes noise rock, sludge, post-core, psyché, metal déviant, etc., on nous a cantonné dans ce registre alors que depuis le départ notre ligne éditoriale est 100 fois plus ouverte que ça. Par exemple, nous avons été parmi les premiers à parler régulièrement de Liars, TV On The Radio, Zola Jesus, Animal Collective, etc. Bref, tout ça pour dire que j’espère que ce magazine aura permis à certains d’apprécier aussi bien Warpaint qu’Atheist, PVT que Jon Spencer Blues Explosion, Electric Wizard que Timber Timbre… Même si rien n’est moins sûr…
Est-ce que la création, le lancement de ce magazine était un rêve? Un défi? Une folie? Autre(s) chose(s)?
Un rêve, oui. C’était déjà ce que je voulais faire depuis pas mal de temps quand l’occasion s’est présentée fin 2003. Je tenais un webzine depuis trois ou quatre ans et voilà qu’un (pseudo) éditeur me contactait en me demandant de lui monter une équipe en vue de la réalisation d’un nouveau magazine dans la veine de Rage, la publication qui m’avait précisément permis de me forger une culture musicale durant les années 90. Que demander de plus ? Une folie ? Certainement aussi, nous n’avions aucune expérience et étions très naïfs, mais bon, on a foncé et on est toujours là, un peu meilleurs qu’à nos débuts j’espère. Un défi ? Oui, aujourd’hui plus que jamais. Il y a toujours cette volonté de continuer pour montrer que « oui, c’est possible ». En ce qui me concerne en tout cas.
Que voulais-tu insuffler à Noise? Et y es-tu arrivé?
Oui et non, je ne suis jamais pleinement satisfait, je voudrais toujours plus: meilleure qualité de papier, plus de diversité, plus de rubriques, plus de dossiers, malheureusement nous n’avons ni les moyens financiers, ni le temps nécessaire pour tout ça. Mais bon, je suis content de faire vivre un magazine éclectique dont les choix éditoriaux ne sont dictés ni par la hype à tout prix, ni le bon-goût élitiste, ni par de quelconques impératifs publicitaires, mais bien par les goûts des rédacteurs (et pas seulement les miens, je ne partage pas du tout ceux de certains d’entre eux, et les seules concessions se font d’ailleurs à ce niveau-là).
Quelle équipe rédactionnelle cherchais-tu à réunir autour de toi?
Rien de réfléchi de ce côté-là. Au départ il s’agit surtout d’amis qui pour la plupart écrivaient à mes côtés sur No Brain No Headache (qui existe encore en tant qu’association organisatrice de concerts et émission de radio à Limoges), puis l’équipe n’a cessé de s’agrandir au gré des rencontres, chacun apportant sa pierre à l’édifice.
Est-elle difficile à organiser et à coordonner?
Oui, car nous sommes nombreux (et disséminés un peu partout en France et ailleurs) et que tu ne peux pas gérer une équipe constituée de 95 % de bénévoles de la même façon qu’une équipe de gens rémunérés. Je ne peux pas dire tout le temps « non » aux propositions d’articles des rédacteurs même si certaines ne m’emballent pas plus que ça parfois. Il faut faire avec les emplois du temps et les impératifs extérieurs de chacun, mais bon, jusqu’à présent on s’en sort comme ça.
Comment s’élabore une couv’? Qui décide au final?
Il n’y a pas de règles, mais la plupart du temps c’est moi qui décide, même si je demande l’avis à certains de mes « collègues ». En ce qui concerne celles de Marvin, Warpaint, Health, PVT, c’était vraiment de gros coups de cœur et je suis bien content de ces couvertures. On a eu énormément de retours positifs au moment des couvs Warpaint et Marvin. Non pas que je ne sois pas content de celles de The Fall et Gang Of Four, mais je crois que je préfère mettre de jeunes groupes en couverture en ce moment.
Peux-tu revenir sur le désir d’indépendance de Noise et son nouveau départ? Pourquoi cela te tenait-il tant à cœur ?
Ce n’est pas tellement que cela me tenait à cœur, je ne suis pas particulièrement heureux de me retrouver gérant de SARL aujourd’hui. Les circonstances nous y ont poussés. Sur le plan éditorial, nous n’avons jamais subi aucune pression de la part de nos éditeurs, qui de toute façon ne connaissaient absolument rien au rock et encore moins au rock indépendant. Le problème ne venait pas de là, mais de tout le reste (gestion, communication en interne, etc.) Quand vous ne pouvez plus avancer avec quelqu’un, que les relations deviennent difficiles, il faut savoir partir. Nous avons pu le faire, non sans mal, maintenant nous allons voir ce que nous réserve l’avenir.
Quels ont été les plus grands obstacles que tu as rencontrés? Quels sont ceux que tu rencontres aujourd’hui?
Avant : Les éditeurs véreux ou non professionnels, le manque de moyen, le manque à gagner niveau publicité. Aujourd’hui : Le manque de moyen, le manque à gagner niveau publicité. Le flou de notre ligne éditoriale aussi peut-être parfois : les labels metal préféreront annoncer dans la presse metal, avec laquelle ils entretiennent des relations plus constantes, les labels indie-pop privilégieront les Inrocks et les majors Rock ‘n’ Folk, deux magazines qui vendent beaucoup plus que nous. Les labels que nous traitons régulièrement n’ont généralement pas de moyens ou bien se foutent royalement du marché français (HydraHead, Thrill Jockey par exemple).
A certaines périodes j’arrive à en vivre à d’autres non. Là, pour l’instant, puisque nous redémarrons quasiment à zéro, qu’il a fallu monter une SARL pour éditer le magazine, la période est difficile. Ça devrait aller mieux à partir de février.
Qu’est-ce que ce magazine t’a permis de réaliser?
J’aime la presse musicale. Adolescent, je dévorais les magazines, j’étais du genre à entourer au stylo les chroniques des albums que je voulais acheter, à les lire et les relire en attendant que les disques commandés arrivent enfin, ce genre de trucs. Les choses ont beaucoup changé. Désormais on peut télécharger ou écouter instantanément n’importe quel album ou presque, mais j’espère que de nos jours encore il reste des gens qui prennent le même plaisir à lire un magazine musical. Une des raisons pour lesquelles je fais ce métier, c’est ça : faire perdurer ce plaisir et le transmettre… tout comme une certaine vision transversale du rock. Je pensais qu’avec Internet les petites chapelles allaient exploser. J’avais tort.
Noise, c’est beaucoup de stress, d’obstacles, de contraintes, en quoi trouves-tu personnellement du plaisir?
Oui, on a pas mal galéré, les derniers mois ont été particulièrement difficiles, mais je préfère faire ce que j’aime tant que c’est encore possible. Si nous sommes encore là, c’est que tous ces obstacles n’étaient pas insurmontables. Rien n’est facile de toute façon.
Tu as une culture musicale riche et éclectique. Comment te l’es-tu constituée?
Tout d’abord les magazines : Rage, Best et les magazines hard rock des années 90, quelques fanzines, mais très peu (Octopus, Scatopode), puis Internet et les rencontres qui se sont multipliées à partir du moment où j’ai commencé à écrire sur la musique à la fin des années 90.
A quel âge as-tu su que la musique allait devenir ta passion?
Vers 15 ans je pense. Avant ça j’écoutais déjà certains groupes mainstream comme The Cure, Depeche Mode, Toto, Inxs, Midnight Oil, Springsteen, puis je me suis mis au hard rock/metal avec Def Leppard, Iron Maiden, Black Sabbath, Thin Lizzy, Metallica, Anthrax… c’est là que j’ai commencé à acheter certains titres de presse musicale et que j’ai découvert la musique des nineties.
Quelle définition donnerais-tu au mot ‘passion’?
Folie.
Avec quels groupes as-tu pris tes premières baffes?
Faith No More, Kyuss, Helmet, Soundgarden, Alice In Chains, Dinosaur Jr, Nine Inch Nails, Ministry, Melvins, Tool, Jesus Lizard, Rollins Band, Primus, Sonic Youth, The Young Gods au début des années 90, des groupes qui restent encore aujourd’hui parmi ceux qui comptent le plus pour moi et par le biais desquels je me suis intéressé à ceux des générations précédentes : Killing Joke, Hüsker Dü, Big Black, Stooges, Gang Of Four, etc. ou d’autres plus obscurs : Unsane, Butthole Surfers, Buzzov-en, Grötüs, Cop Shoot Cop, Sebadoh, Snapcase, Godflesh, Painkiller, The God Machine, Slint…
Tu abordes la musique en regardant devant et derrière toi. Noise est à la fois tourné vers un héritage musical tout comme il est tourné vers le futur. En quoi penses-tu que le rock est toujours une musique moderne? Pourquoi t’excite-t-elle toujours?
Il y aura toujours du rock qui va de l’avant, du rock qui regarde dans le rétroviseur, du rock qui va de l’avant en regardant dans le rétroviseur. Peu importe, l’important n’est pas que le rock soit moderne, mais qu’il soit pluriel, et actuellement il y en a pour tous les goûts. J’aime retrouver certaines ambiances, quelles soient connotées 70’s, 80’s ou 90’s chez certains groupes, comme j’aime l’aspect novateur d’autres. Si le rock m’excite toujours, c’est qu’il m’en fait encore voir de toutes les couleurs. Je n’ai absolument rien contre les reformations, je suis bien content que Dinosaur Jr ou Polvo soient de retour avec de fabuleux albums ou d’avoir pu voir ou revoir Faith No More, Gang Of Four, The Lemonheads, John Garcia jouant du Kyuss, Godflesh, etc.
En quoi penses-tu qu’un magazine musical (version papier) est encore aujourd’hui plus intéressant qu’un webzine?
Les deux ont leurs qualités et leurs défauts. Reste que si tu offres à n’importe quelle équipe de webzine l’opportunité de monter un magazine papier, je doute qu’elle refuse. A mon avis un webzine est plus efficace en ce qui concerne les news, un magazine pour les interviews et les dossiers de fond, en règle générale. Personnellement, je consulte les webzines français principalement pour leur section news , aucun ne me correspond vraiment sur le plan de la ligne éditoriale, je pioche donc à droite à gauche, comme beaucoup de monde. Par contre je tombe parfois sur des blogs qui me correspondent et j’aime beaucoup certains sites étrangers comme The Quietus (http://thequietus.com) ou Brooklyn Vegan (www.brooklynvegan.com).
Quelles sont tes stratégies pour encore mieux faire connaître le magazine et élargir ton lectorat?
Nous n’avons pas trop les moyens de développer de « stratégies ». Les ventes sont en hausse légère mais constante depuis les débuts de Noise, alors que la tendance globale dans le milieu de la presse musicale est à la baisse. Ce qui est plutôt encourageant. Petit à petit, on creuse notre trou.
Quel est ton regard sur la presse musicale française?
Nous ne sommes pas si mal lotis, avec des magazines indépendants de qualité (Magic, Voxpop, Tsugi, Obsküre…) même si encore une fois, aucun ne me satisfait pleinement sur le plan de la ligne éditoriale. En tout cas, il n’y a jamais eu autant de magazines musicaux différents en kiosque en France que durant cette période de crise du disque et de la presse…
Quel est l’artiste (les artistes) que tu n’as jamais rencontré et que tu ‘rêves’ de croiser ?
En fait, je ne fais vraiment pas ce métier pour rencontrer des artistes à tout prix. Je ne suis pas très « fan de ». Enfin, j’étais très content d’interviewer mes idoles de jeunesse, Mike Patton, John Garcia, Josh Homme, Justin Broadrick, Les Claypool, Chris Spencer, Jonah Jenkins, Bob Mould, Franz Treichler, Page Hamilton, Scott McCloud, etc., bien sûr, surtout que la plupart d’entre eux se sont montrés très sympathiques (Broadrick, Hamilton et Treichler en particulier que j’ai eu plusieurs l’occasion d’interviewer de visu plusieurs fois), pas de déception à signaler. De plus, c’est souvent ceux-là à qui tu as le plus de questions à poser. Mais si je n’interviewe jamais Henry Rollins ou Trent Reznor, peu importe, pas grave. J’aimerais tout de même bien avoir un jour au sommaire PJ Harvey, Soundgarden, My Bloody Valentine, The Cult, Alex Newport ou Rollins – pour citer les premiers qui me viennent à l’esprit – que nous n’avons jamais couverts. Même si parfois je suis déçu, lorsque trop d’annulations ont modifié le sommaire initial, j’aime construire des sommaires en fait, pouvoir me dire lorsqu’un n° est terminé : cool line-up, bien éclectique, bien dosé.