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PAIEMENT ACCEPTE (Bienvenu)

Charles Bernet est un réalisateur à succès qui a remporté tous les prix et récompenses pouvant exister. Il devrait être comblé, d’autant qu’il est amoureux de sa jeune femme, Jeanne. Mais il y a ce film de science-fiction, difficile d’accès et très personnel, qu’il a en lui depuis longtemps et qu’il n’a jamais pu tourner faute de producteurs l’ayant suivi dans le projet. Mais cette fois, les conditions semblent réunies et une fois tous les contrats signés, Charles commence le tournage. C’est alors qu’un accident de train l’envoie à l’hôpital. Paralysé, il doit se faire opérer avant de commencer une longue rééducation. Ne pouvant se permettre d’attendre son rétablissement, son producteur, et pourtant vieil ami, Donald Junior (qui a la tête de Trump…), confie la réalisation du film à Gustave, le jeune assistant de Charles…
Après son adaptation de Sukkwan Island, de l’excellent David Vann, Paiement accepté est la deuxième incursion d’Ugo Bienvenu dans la bande dessinée. Il y livre une satire mordante d’un autre univers qu’il connaît bien (il a d’abord commencé comme réalisateur de courts métrages d’animation et travaille actuellement sur son premier long, Domenica) : le cinéma. Egos surdimensionnés, producteurs obsédés par le sexe, acteurs qui se prennent pour des stars, financeurs qui veulent absolument placer leur maîtresse au casting des films, représentant du CNC qui veut imposer une actrice à la mode pour assurer la rentabilité du film : le portrait que Bienvenu brosse ici est aussi cruel (l’industrie cinématographique en prend pour son grade, et pas qu’un peu!) qu’il sonne juste.
Mais Paiement accepté n’est pas que cela. Et c’est ce qui fait sa richesse. Car la satire fait ensuite place, dans la seconde partie du récit, à une sorte de roman d’apprentissage. En commençant sa rééducation (belle métaphore!), Charles ne fait pas que réapprendre à marcher. En effet, au contact d’un étonnant patient joueur de Scrabble, il va également réapprendre à vivre grâce à la philosophie de ce jeu. Avec les autres cette fois et notamment avec sa femme et ne plus être simplement obsédé par ses propres lubies et objectifs personnels. Et aussi, peut-être, à être heureux et à rendre heureux. Un joli roman graphique, subtil et profond (ce qui contredit l’impression que la mise en couleur, très pop et colorée, peut donner), qui rappelle De rouille et d’os d’Audiard.

(Roman graphique – Denoël Graphic)