BD. Nous sommes en 1946. Carlos Giménez, qui a perdu son père à l’âge d’un an et dont la mère souffre de tuberculose, est séparé de ses frères et placé dans un foyer de l’assistance sociale franquiste. Il a 5 ans. Jusqu’à l’âge de 14 ans, il passera de foyer en foyer, tentant de survivre, tant bien que mal, au manque d’amour maternelle, aux brimades des maîtresses et des instructeurs ou au fanatisme religieux. Puisant dans ses souvenirs d’enfance, ce sont ces années de tristesse et de résignation que l’auteur raconte dans Paracuellos depuis maintenant 40 ans. Chef de file de la BD autobiographique, Giménez a en effet sorti les premiers épisodes de sa série dans Fluide Glacial (le numéro 32 pour être précis) en 1979. Soutenu et encouragé par Gotlib lui-même (la presse espagnole n’était pas intéressée par son travail…), il publiera 2 tomes avant d’en ajouter 4 autres plus tard, entre 1999 et 2001 (l’intégrale des 6 premiers tomes reçut le Prix du Patrimoine 2010 à Angoulême). Et après une pause de 15 ans, l’auteur a décidé de terminer Paracuellos en ajoutant 2 derniers tomes, les 7 et 8, ici rassemblés dans une très belle seconde intégrale (elle est augmentée d’un dossier bonus passionnant sur Giménez) par Fluide Glacial.
Deux derniers tomes dans lesquels il revient bien sûr sur les conditions de vie difficiles (le froid l’hiver, la chaleur l’été, peu de nourriture et d’eau, 1 seul verre par jour, au goûter) que connurent les internes des foyers ainsi que sur la violence, physique et psychologique, dont les adultes de ces institutions étaient capables mais qui sont surtout l’occasion pour lui d’approfondir les relations entre les enfants. Et le rôle, crucial, joué par la bande dessinée pour lui. Véritable passion, les illustrés d’El Cachorro étaient un échappatoire magique pour l’auteur. Tandis que son don pour le dessin lui permettait aussi d’avoir, parfois, les faveurs des maîtresses ou des instructeurs. Car en échange de l’illustration d’un menu, on lui permettait, par exemple, d’assister au repas donné en faveur du délégué national de l’assistance sociale…
Un récit rare, qui nous fait revivre avec talent et en noir et blanc (avec un dessin très influencé par Gotlib) les années sombres du franquisme à hauteur d’enfant. A ne pas manquer.
(Intégrale, 160 pages – Fluide Glacial)