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PATRIA (Fejzula)

BD. C’est l’histoire de deux familles basques très proches, notamment les mères, Bittori et Miren, que la guerre d’indépendance va séparer. Comment pourrait-il en être autrement alors que Txato, le mari de la première qui tenait un garage, a été assassiné dans la rue par l’ETA qui lui reprochait de ne pas payer l’impôt révolutionnaire et que Joxe Mari, le fils de la seconde, a été condamné à près de 30 ans de prison pour avoir participé à des opérations terroristes pour le compte de cette même ETA…

Au départ, Patria est un roman écrit par Fernando Aramburu paru en 2016 qui a eu un retentissement énorme, 1 million d’exemplaires ont en effet été vendus, en Espagne. A tel point qu’il a ensuite été adapté en série télé (elle a apparemment été diffusée sur Canal plus fin 2020) et qu’il l’est maintenant en bande dessinée. Probablement parce que le pays avait besoin d’un grand roman qui rassemble enfin victimes et membres de l’ETA, partisans de l’indépendance du pays basque et non-sympathisants, soutiens à la lutte armée contre l’état espagnol et opposants à celle-ci. Et parce que l’œuvre et son adaptation en BD, qui ont une grande force émotionnelle, sont tout simplement très inspirées. Une réussite qu’elles doivent grandement à leur dispositif narratif singulier : Patria est en effet un récit choral qui nous propose de suivre, en alternance, le point de vue des 9 personnages principaux (qui sont en fait les différents membres des 2 familles) sur près de 20 ans. Un choix assez déroutant de prime abord (d’autant que la narration, assez exigeante, fait de constants sauts dans le temps) mais original et qui permet surtout aux auteurs d’éviter tout manichéisme en montrant la complexité et la variété des sentiments (que ressent, par exemple, une mère dont le fils a été condamné à la prison pour meurtre mais qui est considéré comme un héros par une grande partie des gens de son village ? Comment un frère, plus jeune, peut-il trouver sa voie dans l’ombre de ce héros qui s’est battu pour l’Euskadi ? Comment une autre mère peut-elle se reconstruire après l’assassinat de son mari quand elle croise tous les jours ceux qui l’ont probablement tué?) et des opinions face au combat que l »ETA a mené pour l’indépendance de l’Euskadi qui a empoisonné la vie de la province pendant tant d’années, chacun étant sommé de prendre position, et a coûté la vie à 829 personnes en 43 ans. Sans parler des souffrances et des traumatismes que cela engendra et qui sont plus difficilement quantifiables…Une très belle adaptation, au ton toujours juste, portée par le joli travail graphique de Toni Fejzula, très personnel, rehaussé d’aquarelles, qui nous plonge avec beaucoup d’humanité dans l’histoire déchirée du pays basque de ces dernières décennies.

(Récit complet, 308 pages – Ankama)

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