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PROIES FACILES (Prado)

Mars 2014 , Espagne. Les inspecteurs Tabares et Sottilo sont appelés sur les lieux d’une mort suspecte : Juan Taboada Rivas, commercial dans une banque, ne s’est pas suicidé et était trop jeune (il n’avait que 37 ans) pour avoir un infarctus. Pas de lutte dans son appartement, dans lequel il vivait seul, non plus. La police scientifique vient tout juste de commencer ses recherches quand 2 autres décès étranges sont signalés : ce sont cette fois la directrice de l’agence Bancanova et l’ex-président de la banque Caixatlantica qui sont morts dans un bar et sur la plage. Peut-être empoisonnés. Pour le binôme cela sent le tueur en série à plein nez. Les ennuis aussi…

Voici un polar comme on les aime ! Premièrement parce qu’il réserve pas mal de surprises. A commencer par les responsables de ces morts, dont on ne parlera pas ici (même si Prado donne, un peu trop vite -c’est peut-être la seule chose qu’on lui reprochera- des indices évidents quant aux coupables) pour éviter de « spoiler ». Mais également de par les choix graphiques de l’auteur. Car Proies faciles a beau se passer en Espagne, ce sont bel et bien des dégradés de gris qui sont chargés de porter l’intrigue. Et on comprend pourquoi : l’histoire est noire, très noire. Pourtant ce qui surprend probablement le plus c’est bien l’engagement dont Miguelanxo Prado fait preuve ici. Car vous l’avez compris, ce polar social met en fait en scène, symboliquement, un procès (voire une mise à mort) : celui de l’ultralibéralisme actuel et de son système bancaire prêt à tout pour vendre des « produits » à ses clients et peu importe si ces derniers risquent de perdre toutes leurs économies ou de devoir vendre leur maison ou appartement. Affaire des subprimes aux Etats-Unis, actions préferentielles en Espagne, hypothèques ailleurs (et on ne parle pas des traders…) : les scandales liés au système bancaire actuel se sont multipliés ces dernières années sans que notre système économique ou les états y trouvent grand chose à redire. Alors quand des victimes de ces scandales décident de se venger de ceux qui les ont ruinés, Prado ne parvient pas à les blâmer. Au contraire, quand l’un des personnages dit de ces directeurs de banques et autres commerciaux qui ont permis, sans sourciller, que des centaines de milliers de personnes se retrouvent à la rue ou, pire, se suicident, que c’est de la « vermine », on jurerait que c’est Prado qui parle et qui leur règle leur compte. Un réquisitoire fort, courageux (il n’est pas si évident que cela pour un auteur reconnu comme Prado de prendre parti de la sorte) et très bien dessiné (le trait est précis et expressif) qui ne pouvait que nous plaire.

(Récit complet – Rue de Sèvres)