BD. Jimmy Girard ne sait plus trop où il en est. Gendarme dans un village du Vercors, il vient de perdre son père. Et surtout il a peur pour son pays. Peur que des terroristes islamistes ne s’en prennent encore à des innocents. A des enfants, par exemple, sur le marché de Roissan. Alors, quand il tombe sur Vincent Louyot, accompagné de sa fille adolescente, venu se changer les idées après la mort de sa femme dans l’explosion du Leroy Merlin en banlieue parisienne, il décide, probablement par compassion pour Vincent mais peut-être aussi mu par son désir pour sa fille, de les prendre sous son aile. Même si pour cela il doit passer sous silence des actes répréhensibles par la loi…
Après Polina, Une Sœur ou Le Chemisier, Bastien Vivès a eu envie de changer de registre. Et sa rencontre, sur une émission de radio, avec Martin Quenehen, lui a fourni l’occasion d’enfin réaliser un polar. Qu’ils ont écrit ensemble en réaction aux attentats qui ont secoué la France ces dernières années. Un thriller haletant qui s’intéresse surtout à la psychologie de ses personnages, au premier rang desquels Vincent, Jimmy, Lisa et Stéphanie, la collègue de Jimmy. Et que nous montre Quatorze Juillet ? Une France qui doute de ses valeurs, regarde de plus en plus vers l’extrême droite et érige en héros des personnes qui n’en sont pas ! Bref, un pays perdu ! A l’image de Jimmy qui prend des initiatives personnelles dangereuses, pour lui mais aussi pour les autres. Ou de Vincent, qui ne sait pas comment faire le deuil de sa femme et qui est attiré par la violence et la vengeance. Seules les femmes (Lisa, animée par une pulsion de vie, veut juste vivre son adolescence comme les autres filles et Stéphanie est à la recherche de stabilité pour se rassurer) semblent vivre la situation plus « normalement »…Et Quatorze Juillet observe donc comment, mais aussi pourquoi, les personnages agissent comme ils le font dans cette période troublée. Tout en rappelant aussi, en filigrane, que la violence et la haine, ne peuvent être la solution quand bien même certains s’échinent à les attiser, par calcul électoraliste, en soufflant sur les braises…
Un polar noir étonnant qui brosse un portrait juste d’un pays en proie aux doutes. Mis en images par Bastien Vivès dans son style habituel, aussi personnel que fluide : un trait fin qui va à l’essentiel, rehaussé de marqueur noir ici ou là et d’aplats de noir ou de gris, qui se fait cependant plus réaliste dans ce récit -même si l’auteur garde son habitude de ne pas toujours dessiner les yeux des personnages…- surtout dans les décors, pour coller au plus près de la narration.
(Récit complet, 232 pages – Casterman)