BD. J’avais lu, il y a pas mal d’années, avec grand plaisir, l’un des récits de Jorn Riel, dans lequel il raconte le quotidien de chasseurs-trappeurs et de pêcheurs du Groenland. Ce devait être La vierge froide et autres racontars. Eh bien figurez-vous que Gwen de Bonneval et Hervé Tanquerelle ont eu la bonne idée de les adapter en bande dessinée. 3 tomes sont sortis ces dernières années et sont ici réunis par Sarbacane en une belle intégrale (avec cahier graphique en bonus!). Et le résultat est tout simplement génial !
Bien sûr, la matière première vaut son pesant d’or narratif. Riel a passé 16 ans au Groenland, où il a côtoyé Paul-Emile Victor. Et observé ceux qui y vivent : chasseurs-trappeurs, hurluberlus un brin dérangés ou jeunes hommes avides d’aventures. Et il en a rapporté des récits incroyables. Des chasses à l’ours improbables, des combats acharnés complètement absurdes entre habitants de la même cabane mais aussi des hommes qui deviennent tout simplement fous au bout de quelque temps à cause du froid, de l’isolement, de la nuit polaire (les fameux jours sans lumière) et le manque de présence féminine. Mais de Bonneval et Tanquerelle l’ont adaptée avec une grande inspiration, qui ne se dément pas tout au long des 368 pages et des quelques 14 récits que compte cette intégrale. Côté scénario, c’est du cousu main : la narration est parfaitement huilée (à la graisse de phoque…) et de Bonneval démontre un sens de la réplique des plus aiguisé. Quant à Tanquerelle, ses choix graphiques sont tout simplement parfaits : ces racontars arctiques ne pouvaient clairement être mis en scène que par un dessin en noir et blanc. Et son trait précis et expressif et ses lavis de gris se chargent de croquer les trognes plus vraies que nature de ces solitaires souvent portés sur l’eau de vie (mention spéciale à celles de Siverts et du capitaine de la « Vesle Mari », Olsen, cousin nordique du capitaine Haddock, avec son appendice nasal développé et son goût pour les insultes fleuries – « résidu d’estomac de béluga » rivalisant, à mon avis, haut la main avec « bachibouzouk ») et de planter les magnifiques décors sauvages des récits. Franchement, on adore !
(Intégrale, 384 pages – Sarbacane)