Skip to content Skip to footer

SAISON BRUNE 2.0 (Squarzoni)

BD. 10 ans que Saison brune est sorti. 10 ans que Philippe Squarzoni a tiré, comme beaucoup d’autres, la sonnette d’alarme climatique. Sans voir grand-chose venir. Malgré ses promesses, Macron n’a, par exemple, mis que très peu de choses en place pour respecter les engagements de la France. Pire, Bolsonaro, Trump ou le président chinois nient même, carrément, le réchauffement climatique. Difficile dans ces conditions d’imaginer que l’Humanité va réussir à limiter la hausse annoncée de la température moyenne dans les décennies à venir. D’autant que la croissance du numérique amplifie encore le phénomène…Voilà pourquoi l’auteur a décidé d’écrire une sorte de suite à Saison brune qui se focalise, cette fois, sur les conséquences de notre utilisation du numérique sur l’environnement, nos « empreintes digitales ».

Comme d’habitude quand il planche sur des enquêtes, Squarzoni se met en scène, au milieu de la société, ce qui lui permet de montrer ses propres contradictions (lui aussi est confronté à l’omniprésence du numérique) mais aussi, et surtout, l’origine de sa réflexion. Car, cette fois, l’auteur se met en scène avec sa fille. Pas un hasard bien sûr car symboliquement, c’est pour elle et les futures générations que Squarzoni fait ce livre : pour qu’il y ait une vraie prise de conscience et que l’on apprenne à utiliser le numérique de façon raisonnée. Car si les Gafam s’emploient à cultiver le mythe de la dématérialisation du numérique, en mettant en avant les fameux « clouds », il faut bien d’énormes Datacenters, bien réels eux (il en existerait 3 millions dans le monde !), pour stocker et traiter les informations de nos ordinateurs, tablettes et smartphones (Internet relie aujourd’hui plus de 30 milliards d’équipements numériques !) 24 heures sur 24 et de plus en plus vite car on ne veut plus attendre pour savoir quel est le nom de cet acteur qui joue dans tel film…1,5% de l’électricité dans le monde est ainsi utilisée par les Datacenters, soit l’équivalent de la production de 30 centrales nucléaires. Ce chiffre, compte tenu de la croissance galopante (on veut le dernier iPhone même si notre ancien smartphone fonctionne toujours…) du numérique, pourrait atteindre 4 à 5% d’ici 2030.

Les Datacenters ne représentent pourtant que 15% des impacts environnementaux du numérique. Loin derrière les terminaux qui en représentent deux tiers. Toujours plus puissants et sophistiqués, les smartphones ont un impact environnemental grandissant, notamment à cause de l’extraction des minerais nécessaires à leur fabrication. Or, lithium, brome : extraire et assembler des ressources nécessite des techniques complexes particulièrement énergivores (7% de la production mondiale d’aluminium, 23% de l’argent…). Sans parler des enfants que l’on fait travailler dans les mines en Afrique (ils seraient 40 000 au Congo selon l’UNICEF) ; l’utilisation, énorme, d’eau pour la production du lithium ou de procédés chimiques très polluants pour concentrer les terres rares, des métaux complexes très coûteux à recycler qui plus est. En 2019, on estime que seuls 17% des déchets électroniques ont été récupérés et traités à l’échelle mondiale…Dans des pays en voie de développement pour que le coût soit moindre et parce qu’ils sont moins regardants sur les droits des travailleurs qui doivent manipuler acides et métaux lourds pour les récupérer…Bref, le bilan est lourd ! On pense que les technologies digitales mobilisent aujourd’hui 10% de l’électricité produite dans le monde et rejettent environ 4% des émissions mondiales de CO2…

La démonstration de Squarzoni est imparable : documentée et très fouillée, elle ne laisse pas place au doute…C’est évidemment pour cela (mais aussi pour proposer des aérations dans le récit) que sa narration, maîtrisée et inventive (on pense à ces scènes muettes au découpage singulier), alterne enquête et scènes du quotidien de l’auteur au milieu de ses congénères : il faut clairement changer nos habitudes de consommation (et arrêter de se laisser manipuler par la propagande des publicitaires…) et vite. L’auteur donne d’ailleurs des pistes, comme la sobriété numérique ou le low tech, tout en soulignant le fait que si l’on veut un vrai changement, ce sont aux états de prendre des dispositions législatives pour encadrer les pratiques du numérique et faire en sorte que les nouvelles technologies soient utilisées de façon raisonnée, moins impactante pour la planète. Un livre édifiant, indispensable, comme souvent avec les travaux documentaires de Squarzoni !

(Récit complet, 264 pages – Delcourt)

Leave a comment

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.