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SALAM TOUBIB (Dallanges/Védrines)

salamAlors que le bac approche et qu’elle a une dissertation de philo à faire pendant le week-end, Pauline doit se rendre en Touraine, chez sa grand-mère, pour la sacro-sainte fête de famille de Pâques. Elle aime sa famille mais cela ne tombe pas bien du tout. D’autant qu’elle va y descendre en train avec son père qui n‘est jamais très commode. A moins que ce ne soit l’occasion de découvrir ce père mutique et mystérieux en le faisant par exemple parler du service militaire qu’il effectua, à sa demande (il était sursitaire puisqu’étudiant en médecine), en pleine guerre d’Algérie…

Si elle a utilisé un alter ego fictionnel qu’elle a appelé Pauline, Claire Dallanges raconte bel et bien ici l’expérience de médecin que son père vécut en Algérie pendant 27 mois entre 1959 et 1961. Et le grand intérêt de Salam toubib est bien sûr de montrer un aspect méconnu de cette guerre puisque son père était appelé, par sa fonction, à soigner des militaires et les civils, qu’ils soient musulmans ou pieds-noirs. Il raconte donc ici ses rencontres avec les algériens musulmans, la médecine très rudimentaire qu’il dût pratiquer, avec les moyens du bord (il avait très peu de matériel et quasiment aucun médicament) et les interventions improbables auxquelles il dût procéder (une balle enkystée, près de la carotide, à retirer du cou d’un fellagha ou des extractions de dents, sans anesthésie, alors qu’il n’était bien entendu pas dentiste). Un père qui avait, du coup, une position idéale (il était en contact avec tous les belligérants des « évènements », comme on les appelait hypocritement à l’époque) pour observer avec objectivité et un peu de recul (lui n’était pas là pour faire la guerre) ce qui se passait alors : les exactions perpétrées des 2 côtés mais aussi le mépris avec lequel les colons traitaient les musulmans, les inégalités que la France y a laissé se perpétuer (par exemple, la mortalité infantile y était près de 5 fois plus importante qu’en métropole, surtout parmi les musulmans bien sûr…) ou la répression des émeutes dans la violence qui ne pouvaient qu’engendrer un comportement nationaliste et pousser les algériens à demander une indépendance très légitime.

Un témoignage vraiment captivant qui éclaire la guerre d’Algérie d’une lumière différente (et parfois nouvelle : je n’avais, par exemple, jamais encore entendu parler de ces camps de regroupement -2 millions d’algériens musulmans furent déplacés et parqués pendant la guerre- organisés, et imposés !, par l’armée française pour priver la guérilla nationaliste d’appuis potentiels) mis en images avec fluidité et maîtrise (avec un petit côté manga dans les visages des personnages et leurs gros yeux) par Védrines. De nouveau un très bon cru pour la collection Mirages !

 

(Récit complet – Delcourt/Mirages)