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SAMOURAI (Caro)

ROMAN. Il y a des gens doués, tellement doués que cela en devient agaçant. Des mecs comme Fabrice Caro (alias Fabcaro pour la BD) qui, non-contents d’avoir un joli coup de crayon, écrivent super bien aussi. Pourtant, toutes ces qualités auraient pu rester dans l’ombre. Car Caro a pas mal galéré avant d’accéder au succès. Il a longtemps sorti ses bandes dessinées chez de petits éditeurs indépendants comme 6 pieds sous terre ou La Cafetière. Et puis Zaï Zaï Zaï Zaï est arrivé. Et là, allez savoir pourquoi (attention, le récit est très bon mais il est vraiment dans la lignée de ses prédécesseurs et a d’ailleurs aussi paru chez 6 Pieds sous terre…), le récit a fait un tabac et tout est devenu plus facile pour son auteur. Les Inrocks lui commandent une page hebdomadaire d’Open Bar, ses romans se vendent super bien, Le Discours est adapté (une réussite, d‘ailleurs !) au cinéma et Caro vient même de réaliser un roman photos, Guacamole, délirant, vous vous en doutez…, avec Éric Judor. Une réussite qui fait plaisir à voir car totalement méritée. Samouraï, son nouveau roman, le démontre d’ailleurs une nouvelle fois.

Dans la droite ligne de Le Discours ou Broadway, le récit suit les (més)aventures d’un quadragénaire peu à l’aise dans les relations humaines et qui a le chic pour se mettre dans des situations totalement rocambolesques. Cette fois, il s’appelle Alan et vient d’apprendre, coup sur coup, le suicide de son meilleur ami d’enfance et que Lisa, sa petite amie, le quittait. Probablement parce qu’elle ne voyait en lui qu’un mec qui manquait de caractère (lors d’une altercation avec des chasseurs alors qu’ils faisaient une balade en forêt, n’avait-il pas arrondi les angles et dit à Lisa qu’ils allaient partir alors qu’elle expliquait, énervée, que la forêt était à tout le monde ?) et un écrivain raté (après avoir lu son premier roman publié, pas vraiment un succès commercial, elle lui avait d’ailleurs lancé « Tu veux pas écrire un roman sérieux ? »). Du coup, Alan s’est mis en tête de l’écrire, ce roman sérieux, pour lui prouver, à Lisa, qu’elle a eu tort de ne pas croire en lui et de le quitter pour cet universitaire spécialiste de Ronsard ! Son récit parlera de franquisme et de ses grand-parents qui ont quitté l’Espagne pour la France. De liberté et de résilience aussi. « Huit cent pages traversées d’un souffle épique qui va tout embrasser » auxquelles Alan s’attèlera tout l’été avec la rigueur d’un Samouraï, concentré sur ce seul objectif. Bon, il y aura aussi la piscine des voisins partis en vacances à entretenir (mettre 2 pastilles de chlore 1 fois par semaine, ça devrait aller), se rendre aux rendez-vous organisés par Jeanne et Florent pour lui présenter des amies à eux (ils veulent absolument le caser pour qu’il ne broie pas du noir) et regarder de vieilles photos avec la mère de Marc, son ami d’enfance disparu…

Caro raconte cet été avec sa verve habituelle. Notre homme a trouvé son style, qui fonctionne à merveille, et il n’y a pas de raisons d’en changer ! Les chapitres sont courts, toujours percutants car fourmillant d’idées aussi loufoques que drôles. Il faut dire que Caro a un don pour les métaphores délicieusement délirantes et les comparaisons totalement incongrues souvent influencées par les années 80 (le romancier est né en 1973, une autre de ses qualités, et on a droit, entre autres, à des clins d’œil à Rocky Balboa, Véronique et Davina, Julio Iglesias ou Starsky et Hutch…). Et pour l’ironie dramatique : l’auteur prenant un malin plaisir à affliger ses (anti)héros de manies très gênantes et à les mettre dans des situations particulièrement embarrassantes (à ce titre la scène de la piscine lors de la fête chez Giorgio est juste hilarante). Surtout, derrière l’absurde (l’entretien de la piscine va donner du fil à retordre à Alan, vous vous en doutez…) sur lequel est construit son récit, l’émotion et la mélancolie (les références à l’insouciance de l’enfance sont ici fréquentes) affleurent souvent et Caro parvient même à saisir, par moments, ces épiphanies révélatrices de ce qu’est la vie et notre condition humaine. Un cocktail très original, totalement jubilatoire, à siroter l’été, au bord de la piscine de ses voisins si possible…

(Roman, 220 pages – Gallimard)

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