BD. Issue d’un couple mixte, la part juive de l’identité d’Anne Bénoliel Defréville est restée « silencieuse », comme elle l’explique dans le livre, pendant longtemps. Et pour cause, on lui a toujours dit, depuis sa petite enfance, qu’elle n’était pas juive puisque la judaïté se transmet uniquement par la mère et que c’est son père qui est juif. Deux événements l’ont fait resurgir. Le travail de généalogie de sa maman qui a fait des recherches sur sa lignée, normande, et celle de son mari, juive, remontant jusqu’en 1250 avant Jésus Christ, pour en faire un livre. Et les excuses du roi d’Espagne Felipe VI, prononcées à la télévision le 30 novembre 2015, pour l’expulsion des quelques 200 000 juifs séfarades d’Espagne en 1492 et la promesse que leurs descendants pourraient obtenir la nationalité espagnole s’ils parvenaient à apporter des preuves généalogiques. L’autrice se met donc alors en tête d’obtenir, elle qui ne parle pas espagnol (elle a juste choisi cette langue en LV2 à l’école…), la nationalité de ce pays en mémoire de ses aïeux et se met, en même temps, en quête de ses origines et de son identité. Elle découvre ainsi la saga des Bénoliel…Leur appartenance attestée à la tribu des Lévites et la charge primordiale qui leur fût confiée : veiller sur l’arche d’alliance qui abrite les tables de la loi ; l’installation à Canaan puis la scission du royaume ; la prise de Jérusalem par Nabuchodonosor et la déportation en Mésopotamie ; l’exil vers l’Occident et l’Espagne ; l’expulsion d’Espagne en 1492 et l’immigration vers la Hollande et l’Algérie et, enfin, l’arrivée en France après la guerre d’Algérie.
Une histoire bien entendu incroyable et captivante que l’autrice raconte en alternance avec sa quête (ardue, les autorités espagnoles ne se montrant pas aussi collaboratives que ce que le roi avait laissé entendre…) de la nationalité espagnole, instaurant un dialogue entre passé et présent, histoires et Histoire, universel et personnel. Car si Sefardim propose, en filigrane, une réflexion sur ce qu’est l’identité, le récit revient aussi, bien sûr, sur l’histoire, compliquée, du peuple juif à travers le temps : les discriminations dont il a toujours été victime, les nombreux exils qui lui furent imposés mais aussi la formidable résilience dont il a fait preuve, à l’instar des Bénoliel, la famille de l’autrice. Un récit original et édifiant (tout le monde devrait le lire pour mieux connaître l’Histoire des juifs !) porté par un travail graphique superbe, Defréville se montrant aussi à l’aise pour brosser le portrait de ses aïeux que pour « copier » une œuvre de Rembrandt, et ce en utilisant des techniques variées !
(Récit complet, 160 pages – Futuropolis)