BD. Sélénie et son petit frère Méliès vivent sur la Lune, dans une petite ville protégée par une bulle de verre. Ce sont leurs parents qui les y ont envoyés, avec Cacochyme, un robot chargé de les éduquer et de veiller sur eux, ainsi que Verne et les autres, pour les protéger de la guerre qui fait rage sur Terre. Eux sont restés sur la planète bleue pour aider la résistance à renverser Antacyrès, un fugitif extraterrestre qui a réussi à lever une armée et à prendre le pouvoir grâce à une technologie plus avancée. Un jour, Sélénie et Verne, son amoureux, voient un vaisseau alunir. Se pourrait-il que ce soit leurs parents qui leur envoient pour qu’ils puissent enfin retourner sur Terre ?
Fabrice Lebeault est un auteur qui se fait finalement assez rare en bande dessinée. Trop rare car chacune de ses parutions (on pense surtout à sa série Horologiom) est enthousiasmante. En tout cas pour qui aime les univers décalés et les récits teintés d’onirisme. Il revient avec Sélénie, un one shot, petit bijou narratif qui charme une nouvelle fois le lecteur. En premier lieu parce qu’il surprend. Non par les thèmes qu’il aborde (car chers à leur auteur) mais par sa conclusion que l’on ne voit pas venir (car parfaitement amenée par le reste de la narration), malgré les indices que l’auteur a semé ici ou là (et que l’on peut s’amuser à débusquer lors d’une seconde lecture) et qui nous laisse totalement sous le choc. Admiratif de ce récit à la mécanique parfaitement huilée. Mais aussi groggy, la chute, sombre, ayant l’effet d’un uppercut sous le menton. Et parce que l’auteur a de nouveau réussi à créer un univers très personnel et décalé, qui fait la part belle au rêve et au merveilleux. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si 2 des personnages principaux s’appellent Verne et Méliès…
Un monde lunaire qui lui permet de laisser libre court à son imaginaire avec ses véhicules étonnants (le pneumaphore), ses autochtones mystérieux (les Sélénites, encore appelés nombrileux car leur visage se trouve au niveau de leur ventre) et son bestiaire tantôt effrayant (le tellure) tantôt poétique (les hippos ou les libellunes…). Bref, un superbe récit, manipulateur comme on les aime (voilà pourquoi on ne peut pas dire grand chose de l’intrigue au risque de « spoiler »…), qui plus est magnifiquement dessiné, dans un style rétro (qui fait par exemple penser à Winsor McCay) qui souligne parfaitement le côté décalé de l’histoire. Une ode au rêve et à l’imaginaire marquante que l’on peut aussi voir comme une métaphore du métier d’auteur de bande dessinée…
(Récit complet, 72 pages – Delcourt)