BD. C’est une journée galère comme on en vit parfois. Un train immobilisé 4 heures sur la voie à cause d’une grève et de la chaleur. Une correspondance manquée. Sa chambre d’hôtel redonnée à un autre couple parce que la réservation n’a pas été confirmée avant midi : Germano se retrouve bloqué au beau milieu de nulle part, seul (il s’est trompé d’une semaine. Du coup, sa fille n’était pas là pour l’accueillir à la gare), à subir les gros beaufs (ils y vont de leurs grands discours sur le travail et les fainéants de grévistes…) invités au mariage (l’un des gérants a privatisé l’hôtel pour y installer les convives) sans savoir où il va dormir. A moins qu’il ne se perde dans le parc. Immense, presque infini comme cette nuit qui commence…avec Elena, l’une des invitées dont Germano avait piétiné la robe, par mégarde, un peu plus tôt…
Mirages : la collection (l’une des meilleures, tous éditeurs confondus, rappelons-le!) aura rarement aussi bien porté son nom. Car le nouveau récit d’Alfred en est un de mirage. Une sorte de parenthèse, presque irréelle, hors du monde où le temps n’a plus cours et où tout semble possible : un taureau qui vous vient en aide quand un beauf vous roue de coups, une nuée d’étourneaux qui vous offrent un ballet aérien rien que pour vous, une balade romantique en barque à l’insu de tout le monde, un petit garçon endormi dans les buissons ou une femme pleine de charme dont vous tombez instantanément amoureux ou presque. Le genre de soirée qui change irrémédiablement le cours de votre vie. Tout cela parce que la chambre que vous aviez réservé n’est plus disponible…
Une parenthèse (qui devient) enchantée qu’Alfred conte avec le talent qu’on lui connaît, jouant sur les contrastes (le bruit et la lumière de la noce/le silence et la pénombre du parc), alternant scènes terre à terre (les galères de Germano), burlesque (notre héros a tendance à être un peu maladroit et a le don de se mettre dans des situations embarrassantes) ainsi que poésie et maîtrisant parfaitement le rythme de son histoire pour épouser au mieux les contours de cette rencontre un peu magique. Un joli récit, plein de surprises, à l’image de la vie, très joliment dessiné, avec beaucoup de tendresse, par Alfred. On aime beaucoup !
(Récit complet, 192 pages – Delcourt)