En plus de nous proposer régulièrement de très bons récits, Zidrou présente un autre avantage : celui de nous faire découvrir la nouvelle génération de dessinateurs espagnols. Même si Homs (avec qui il signe cette nouvelle série), grâce à son travail sur Millénium, est déjà reconnu en France, notre homme a en effet déjà confié, depuis qu’il s’est installé il y a quelques années en Espagne, ses scénarios à Lafebre, Porcel ou Oriol, jusqu’à lors inconnus chez nous. Souvent avec grande réussite. Le constat est le même avec Shi, nouvelle série que ce premier tome lance idéalement.
Comme souvent avec Zidrou, il y a une grande, et belle !, idée au cœur de Shi (un pictogramme japonais qui représente le signe de la mort mais qui se prononce aussi comme le pronom personnel féminin anglais “she”…) : mettre les femmes à l’honneur dans le combat qu’elles mènent depuis très longtemps pour obtenir les mêmes droits que les hommes. Voilà pourquoi Jennifer et Kita sont les 2 héroïnes (ce n’est vraiment pas fréquent dans la bd) de cette série ! En tout cas de son premier cycle de 4 tomes (et plus si affinités puisque Zidrou a habilement créé un lien scénaristique avec notre présent -Jennifer et Kita ont été à l’origine de la création d’une organisation de justicières qui a perduré jusqu’à nos jours- qui lui permettra de raconter le combat d’autres pasionarias contre nos sociétés patriarcales à d’autres périodes dans des cycles suivants) qui se déroule dans l’Angleterre victorienne. En 1851 pour être précis. Année où Londres organise la première exposition universelle. Dans le Crystal Palace construit à cet effet, des scènes sont ainsi censées témoigner des merveilles des civilisations du monde entier. Mais quand Jennifer, jeune fille de bonne famille, se rend compte de la façon dont les “invités” (on a par exemple fait venir des japonaises de leur pays que l’on a plantées devant une reproduction du mont Fuji) sont traités, elle décide de revenir, la nuit venue, pour aider Kita à inhumer dignement son bébé qu’elle vient de perdre. Surprise par la police, elle va s’attirer les foudres de son père colonel de l’armée britannique…Et Kita la japonaise sera quant à elle “placée” dans une maison close !
Zidrou n’a pas besoin de trop noircir le tableau pour nous faire ressentir à quel point les droits des femmes étaient bafoués à l’époque. Souvent abusées sexuellement, condamnées à accepter les décisions de leur père puis de leur mari, leur rôle consistait surtout à enfanter puis à élever la progéniture de leur époux. Pas étonnant que nombre d’entre elles, à l’image de Jennifer, aient eu envie de se rebeller contre ces mâles n’ayant aucune envie d’abandonner leur position dominante. Des mâles arrogants, racistes et imbus d’eux-mêmes que Zidrou rend parfaitement détestables dans Au commencement était la colère, superbement mis en images par Homs (qui propose aussi un découpage par moments étonnant). Même quand il s’attaque à une série au long cours plus classique, le scénariste belge parvient à garder sa patte très reconnaissable faite d’humanisme et de propos fort. Un récit qui s’annonce une nouvelle fois très prometteur.
(Série – Dargaud)