Le voilà donc, le fameux album qui lie le trio américain à Africantape et Ruminance. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que depuis « Flies the Fields » (dont deux titres sont présents ici en version live), le groupe semble avoir abandonné son ton léthargique et ses ambiances post-rock. Il faut rappeler que leur dernier passage dans la capitale avait été d’un ennuie profond, autant sur scène que dans la salle (La Maroquinerie). Existe-t-il un lien de cause à effet ? Je ne sais pas, mais une chose est sûre, le trio change de stratégie, et met un joli coup de pied dans son parcours. Ce nouvel album tourne définitivement plus sur les cendres d’une noise encore chaude que d’un post-rock toujours gelé. Le groupe n’hésite pas à sortir de ses politesses. Ça braille ici, la guitare explose là, et la basse du très classe Jason Noble s’emballe. Pire encore, tout l’album est enregistré live, à Louisville et Tokyo, comme pour insister sur cet aspect brut, sans concession. Si le son est moins bon que sur leur précédent disque, il reste de très bonne facture, et s’avère être un choix gagnant. L’énergie s’en voit décuplée. Bien sûr, Shipping News reste Shipping News, et le groupe préfère toujours ramper que courir, aucune facilité racoleuse n’est venue s’immiscer dans les compos du groupe qui gardent toute leur délicatesse, mais quand il s’agit d’exploser, le trio ne se retient plus. Par moment, le réservé Jeff Mueller se transformerait presque en un Albini prêt à en découdre (sur « The Delicate » c’est même le trio entier qui se transforme en Shellac !). Et je crois que j’aime ça !
Live oblige, le groupe nous ressert deux anciens titres de « Flies the Fields » : « (Morays or) Demon » et « Axons and Dentrites ». Mais, là encore, la rage in vivo transforme la donne et nous offre deux versions bien plus tendues et explosives que ce que nous connaissions. « (Morays Or) Demon » devient ainsi un brûlot rageur de premier choix ! Tandis que « Axons and Dentries » amène la touche post-rock de l’album (avec le très beau « Half a House » qui le suit).
Le Shipping News nouveau, plus tendu, plus sournois, plus noise, et radicalement plus vivant est une réussite. On retrouve toujours quelques moments flottants, défaut habituel chez eux, mais des titres comme « Antebellum », « This is an exit » ou « Do You Remember the Avenues? » (pour n’en citer que trois) me refont croire en ce groupe pour lequel je commençais à émettre quelques doutes. Parfait.
(Album – Africantape / Ruminance)