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SIMENON La Neige était sale (Fromental/Yslaire)

BD. Alors que l’armée d’occupation fait régner la loi, dans la terreur, dans la ville, Frank mène pourtant, quant à lui, une vie agréable. Avec Kromer, son compère en magouilles, il trafique, vend au marché noir, rend des services à l’occupant (il connaît quelques hauts gradés qui passent au bordel de sa mère, cela aide !)…Bref, il sait y faire pour s’en sortir et a les coudées franches pour ses petites affaires. Et avec l’argent qu’il a et ses relations il peut avoir les femmes qu’il veut, y compris la jolie et naïve Sissy, la fille de Holst, le conducteur de tram qui habite à l’étage du dessus…

Pour cette nouvelle adaptation d’un roman « dur » (il les appelait comme ça parce qu’ils lui donnaient bien plus de mal à écrire que ses Maigret…) de Simenon, c’est un nouveau duo (après Bocquet et Cailleaux) expérimenté et talentueux qui a été choisi : Fromental et l’assez rare au dessin Yslaire. Qui ont opté pour La Neige était sale, un récit particulièrement sombre et pessimiste, atypique aussi, qui brosse le portrait d’un jeune homme, Frank, qui n’a pas foi en grand-chose, peut-être à cause de l’occupation de son pays par un régime totalitaire (même s’il n’est pas explicitement nommé, on reconnaît les idées et la propagande du national-socialisme hitlérien qui venait juste d’être vaincu quand Simenon se mit à l’écriture de ce roman). Ni résistant ni ouvertement collaborateur, Frank est avant tout une crapule capable de tout pour gagner de l’argent et mener la grande vie. Tellement habitué à faire ce qui lui plaît, son impression d’impunité va cependant l’emmener trop loin et finira par lui valoir de gros ennuis. Qu’il accueille presque avec reconnaissance, sa mort semblant la seule alternative pour lui offrir une sortie honorable. Un anti-héros à la psychologie complexe et donc pas forcément facile à cerner qui a probablement été en grande partie inspiré à Simenon par son propre frère qui venait de mourir quelques jours avant que l’auteur ne débute La Neige était sale et qui avait été milicien pendant la guerre en Belgique…

Un roman dont Simenon était particulièrement fier et auquel Fromental et Yslaire rendent ici parfaitement justice : la narration, naturelle et fluide, est une mécanique parfaitement huilée et Yslaire met en images cette traversée jalonnée de meurtres et d’ignominies vers la rédemption de Frank avec beaucoup d’inspiration à l’aide d’un travail graphique majoritairement sombre ponctué ici ou là de touches de rose. Une nouvelle réussite, après Le Passager du Polarlys, à l’édition magnifique (papier épais, jaquette, postface signée Fromental dans laquelle il revient sur le contexte de l’écriture du roman…), pour cette collection d’adaptations de romans de Simenon.

(Récit complet, 104 pages – Dargaud)

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