(Festival Villette Sonique, Grande Halle de la Villette, Paris, 27 mai 2016)
Nous avons eu la bonne idée d’arriver à l’heure, et de s’engouffrer dans la grande hall de la Villette alors même que le soleil nous disait le contraire, nous invitant à nous prélasser sur les grandes pelouses du parc. Quelle bonne idée pourtant, vu ce qui nous attendait à l’intérieur.
La salle est à moitié vide quand les londoniens de Sauna Youth commencent, et je dois avouer ne pas connaitre grand chose d’eux. Mais la curiosité du peu de personnes présentes sera récompensée. Car le set du quatuor sera la bonne surprise de cette soirée. Des chansons simples et brutes. Un post-punk aussi radical (dans la simplicité des morceaux sur une ou deux notes) qu’élégant. Les refrains chantés souvent à deux voix (par la chanteuse et le batteur) ont une énergie lumineuse, pendant que les décibels déroulent pied au plancher. Il va falloir suivre tout cela de prêt.
Le set de White Fence me parait bien fade après ce déluge d’énergie anglaise. Certes, on retrouve quelque chose du song writing de Syd Barett (dans les meilleurs moments), ou des délires de Ty Segall, mais je trouve son groupe à côté de la plaque. Il n’y a pas d’étincelle. J’en profite pour aller manger un morceau.
La salle commence à être bien remplie. On sent qu’une bonne partie du public est venue pour Frustration. Normal, leurs concerts sont souvent réussis et conviviaux. Ce soir, les parisiens ne choisissent pourtant pas la facilité et vont nous proposer un set avec pas mal de nouveaux morceaux. Un set moins punk qu’à Petit Bain, qui commence en demi-teinte avec “Insane”, mais reprend vite ses droits avec “Duties” et l’excellent “Midlife Crisis”. Le groupe semble heureux et le public lui rend merveilleusement. Devant ça commence à bouger, derrière ça se dandine aussi. Mais partout les sourires fleurissent. “We miss You” retentit, puis “Uncivilized”, le ton monte d’un cran. La machine est en marche. Le post-punk des parisiens met tout le monde d’accord. Devant la température s’élève encore de quelques degrés. Ça danse, ça saute. Les spécialistes savent que ce n’est pas le meilleur concert du groupe (moins furieux et un peu moins de tubes que d’autres fois), mais le gang parisien est particulièrement au point, et le show reste très bon… vraiment très bon. “Empire of Shame”, “Assassination”, les tubes agissent. Le public reprend les refrains en chœur, et le joyeux pogo reprend de plus belle.
Pas de “worries”, pas de “blind”, mais le groupe finit le concert sur une reprise de Sleaford Mods (“Tweet Tweet Tweet”), avec Jason (du duo anglais) au chant. “On a proposé à Jason de jouer avec de vrais instruments pour une fois” dira Fabrice. Le groupe reste fidèle à l’original sans ajouter vraiment de guitare, ou même un peu de l’ADN de Frustration. Peu importe, le mélange fonctionne et le tube des Sleaford Mods est aussi bon joué par des instruments live. Le public est conquis, et ressort avec le sourire. Excellent concert.
C’est donc aux anglais de Sleaford Mods de finir cette belle soirée (qui ouvrait le festival Villette Sonique, faut-il le rappeler). On enfile survets et casquette, on ouvre une ou deux bières, chaine en or qui brille. Le duo balance ses attaques sonores minimalistes pied au plancher. Jason, toujours à fond, comme possédé, crache ses paroles en se fouettant la tête. L’autre continue de boire sa bière quand il ne prend pas quelques vidéos. Mode branleur activé. On croirait The Fall en version survet. Comme si Mark E. Smith venait zoner dans la cage d’escalier. C’est tout le charme du duo. Son agressivité, son minimalisme, et cette attitude “rien à foutre” très cockney. Il y a pourtant de l’engagement dans tout cela et des beats qui font danser le public. Ça ne tient pas à grand chose, mais Sleaford Mods réussit à faire onduler une grande halle de la Villette heureuse. Alors, certes, l’équilibre fragile de la formule peut lasser sur la longueur, par manque de surprises, mais personne ne quittera la salle. Sleaford Mods savent y faire.
Excellente soirée donc qui ouvre parfaitement cette nouvelle édition de Villette Sonique.
photos : © Philippe Levy (couleurs) et JY Lamenace (N&B)