COMICS. Milliken, 12 ans, et sa petite sœur Maé n’ont connu que la Tranchée depuis qu’elles sont nées. La Tranchée, la glace et le froid. Et pour cause : l’une des trois Règles interdit de la quitter. Car en dehors de la Tranchée, il n’y a que la mort. C’est leur père, qui les a élevées seul (sa femme est morte en couches), qui leur a appris. Mais quand, un jour, l’Homme des neiges, une créature puissante et menaçante, quasi-mythologique, qui ressemble à un robot, décime le village alors que Milliken et sa famille étaient partis chasser pour son anniversaire, il leur faut bien désobéir s’ils veulent survivre. Lancés dans une course contre la mort, les deux sœurs vont ainsi découvrir qu’il existe bel et bien autre chose au-delà de la glace…
Une scène suffit, la scène d’introduction, singulière et inquiétante, à Jock et Lemire pour nous faire entrer dans l’univers de Snow Angels. De pleins pieds. Ou plutôt de pleins patins. Car dans cet étrange monde tout blanc fait uniquement de glace où des créatures ont creusé de gigantesques tranchées (contrairement à ce que l’on a dit à Milliken et Maé, il n’y en a pas qu’une…) avec d’immenses pelleteuses qui rouillent ici ou là depuis qu’elles ont été laissées, comme des cadeaux, par ceux que les Tranchéens appellent les engelés, c’est comme cela qu’on se déplace…On n’a ensuite plus qu’une envie : découvrir ce que cache cette planète inconnue (la Terre revenue à l’âge de glace ? Une planète appartenant à une autre galaxie?) et ses habitants qui semblent prisonniers de leurs croyances étranges. Et qui est cet Homme des neiges, bien réel lui, qui veut du mal aux Tranchéens ? C’est ce que le lecteur découvre en suivant le parcours initiatique brutal (rapidement seules les deux sœurs vont aller de chocs en surprises…) de Maé et Milliken que nous raconte, avec beaucoup de talent, Lemire et Jock. Le premier grâce à sa science de la narration, qui repose ici, comme souvent avec le canadien, sur le mystère (notamment celui des origines des Tranchéens) que Lemire dissipe, avec parcimonie, à petits coups de flash-backs notamment (le père des filles était déjà sorti de la Tranchée avant leur naissance mais ne leur en avait rien dit…). Et le second à travers un dessin à la palette graphique vif et spontané allié à un découpage aussi original que dynamique. Bref, voilà un récit de SF qui nous parle du mystère de la vie, de deuil, d’éducation et de quête des origines avec inspiration. Du très bon Lemire !
(Récit complet, 264 pages – Urban Comics)