Nous sommes dans les années 50. Paul travaille au Pentagone. Eminent spécialiste de l’Asie, où il a vécu enfant, son apport sur le sujet est évident. Pourtant, ses supérieurs commencent à s’inquiéter : ces derniers temps, il montre une étrange distraction au travail et ses synthèses s’en ressentent. Sur son bureau, ils ont même retrouvé des centaines de pages recouvertes de diagrammes mystérieux, de cartes et de notes les accompagnant. Acculé, Paul leur explique qu’il s’agit de tableaux retraçant les interactions historiques de l’Empire, qui domine la galaxie depuis près de 100 000 ans. Il va essayer de faire un effort mais il ne peut rien promettre : l’heure est grave -il en va de l’avenir de l’Homme dans la galaxie, ni plus ni moins !- et il ne peut se permettre de passer trop de temps sur Terre…
Smolderen et Clérisse ont décidé de rendre hommage à la culture “Atome” des années 50. A cette époque, la maîtrise atomique était la promesse de lendemains qui chantaient pour tous. Grandement aidée par la propagande publicitaire, l’idée a commencé à envahir tous les secteurs de la société et a débouché sur une esthétique futuriste commune au design, aux livres et films de science-fiction, à l’architecture ou encore à la bande dessinée avec des auteurs comme Jijé ou Franquin avec son “Spirou”. Pour se faire, ils ont choisi d’adapter l’histoire vraie de Kirk Allen (un pseudonyme choisi par le psychiatre qui l’a suivi), devenu Paul dans le récit, dont la psychose est devenue célèbre à cette période : pour réussir à gérer des expériences difficiles de son enfance (une gouvernante qui lui faisait subir ses fantasmes nymphomanes ou son séjour prolongé en Chine engendrant un manque de repères), l’homme s’est réfugié dans les récits de science-fiction et s’est mis, petit à petit et de plus en plus souvent, à se projeter dans un monde du futur qu’il a inventé de toutes pièces pour finir par en reconstituer l’Histoire toute entière, couvrant les 100 000 prochaines années ! Inutile de dire qu’avant de se voir obligé de suivre une psychothérapie par ses employeurs du Pentagone, Allen n’avait plus que très peu pied dans notre réalité…
Du coup, les fans, ou à tout le moins ceux qui sont familiers de cette “culture Atome”, seront ceux qui se délecteront le plus de ce récit car ils prendront un plaisir évident à relever les différents clins d’œil de Smolderen aux auteurs de science-fiction de cette période ou à Franquin (avec son Zelbub qui renvoie bien entendu au méchant Zorglub de “Spirou”) et à admirer la magnifique reconstitution des édifices ou des voitures du style Atome par Clérisse. Mais les autres pourront clairement aussi y trouver leur compte : que ce soit dans la narration virtuose de Smolderen qui multiplie les va-et-vient dans le temps et les aller-et-retours entre réalité et voyages télépathes de Paul (il est en contact constant avec son ami Zarth Arn, le plus grand chef militaire de l’Empire des Etoiles !), l’extraordinaire travail graphique de Clérisse qui revisite à merveille le style des illustrés de l’époque ou le scénario qui vient greffer une histoire d’espionnage sur le “cas Allen” pour faire de ce “Souvenirs de l’Empire de l’Atome” une sorte de space opera teinté de paranormal incroyablement singulier. Une ode à l’imaginaire complètement réjouissante et un hommage virtuose !
(Récit complet – Dargaud)