BD. Dans un futur plus ou moins lointain. Fin sort enfin de ce centre mais est toujours aussi désorientée. Depuis son « accident », elle ne se souvient plus de rien. En plus, elle n’est plus habituée à être dans le monde normal. Son profil a été suspendu et elle ne peut donc plus se connecter au réseau et accéder à la réalité virtuelle. Quand elle arrive enfin à son appartement, elle se rend compte qu’une femme y vit. Comme si elle avait pris sa place. Et depuis longtemps visiblement. Combien de temps a-t-elle disparu de la circulation? Parfois, des interférences système lui permettent d’avoir accès à certains souvenirs opaques semblant provenir du cerveau de cette femme. A un moment elle se voit, par exemple, en train de signer contre son gré le contrat de vente d’une invention révolutionnaire qui permet, via une interface, de stocker des données dans le cerveau des gens à leur insu…
L’architecte Anna Mill a mis 8 ans pour réaliser Square Eyes, un récit complexe et ambitieux de 256 pages! Particulièrement singulier aussi. Au scénario étonnant, véritable labyrinthe narratif, à l’image du cerveau de Fin où tout semble se mélanger et dans lequel la réponse se trouve pourtant, quelque part. Entre monde normal et réalités virtuelles, souvenirs et flash-backs provenant du cerveau de cette femme qui a pris sa place, elle doit mener l’enquête pour traquer le moindre indice qui pourra la mettre sur la piste de la vérité et comprendre, enfin, ce qui lui arrive. Et le lecteur aussi puisqu’il n’en sait pas plus que la protagoniste. Original mais parfois déroutant, Square Eyes est le genre de livre que l’on relit tout de suite, une seconde fois, à l’affût d’indications que l’on aurait peut-être manqué de prime abord mais aussi pour apprécier les subtilités du scénario de Mill et Jones. Et admirer une nouvelle fois le magnifique travail graphique d’Anna Mill. Très personnel et chiadé. Tout en contrastes puisqu’il fait de constants va-et-vient entre un dessin charbonneux rehaussé de différents niveaux de gris quand il s’agit de représenter le monde normal et des couleurs vives, saturées quand Fin passe dans la réalité virtuelle. Un thriller qui propose une vraie expérience de lecture. Pas facile d’accès mais résolument différente, qui aborde la problématique du numérique, des réalités virtuelles et des dangers (notamment la manipulation) qu’il représente s’il tombe entre des mains peu scrupuleuses.
(Récit complet, 256 pages – Delcourt)