Depuis 7 jours, 11 heures, 3 minutes et 12 secondes, les médias cherchent à comprendre qui a sauvé le monde. Un inconnu toujours introuvable qui, en posant une question à propos des rêves sur les réseaux sociaux, a stoppé la guerre dans le monde et fait émerger une totale harmonie entre les Hommes. Au même moment, dans les rues de Dublin, d’étranges sculptures –oiseaux prêts à s’envoler, valise à la main- apparaissent ici ou là. Et deux êtres, Camille et Willie, vont bientôt se rencontrer et s’aimer.
Parce que “Supplément d’âme” est une comédie romantique. Je sais, c’est dur à croire après avoir lu un tel résumé. Alors disons une comédie romantique singulière, d’un autre type, les pieds dans l’eau et la tête dans les nuages. Avec des hommes qui disparaissent dans la foule et peuvent donc se rendre invisibles. Des employés qui parient sur l’heure d’arrivée de l’homme au chapeau sur le quai en face de leur entreprise. Des barrières qui marquent le passage du côté de la rêverie. Des commandos cagoulés d’art nocturne. Des vendeurs-clowns de restauration rapide qui prennent les commandes dans la langue des signes. Et Sophie la girafe…
Avec Kokor, la poésie n’est jamais bien loin, elle est même à portée de main. Dans son univers loufoque, un brin absurde et complètement imprévisible, il suffit de savoir regarder pour qu’apparaissent ici des hommes oiseaux prêts à quitter le réel ou des hommes poissons qui s’échinent à nager dans la rêverie du quotidien. Il suffit de savoir écouter pour que la poésie jaillisse de la langue (“j’ai les mains mouettes”, dit Camille à sa femme oiseau) et que la vie devienne un jeu…d’amour et de hasard.
“Supplément d’âme” est un récit iconoclaste comme on les aime. Une sorte d’ode au bonheur gentiment déjantée remplie de trouvailles graphiques et narratives (la transition entre la scène de l’homme au chapeau et celle de l’atelier de Willie, au beau milieu du récit, est une petite merveille). Une utopie poétique très joliment dessinée (un trait au crayon sans encrage rehaussé de quelques couleurs aux tons sépia ou orangés) qui voudrait rappeler aux Hommes que leurs vies sont liées…
(Récit complet – Futuropolis)