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SUUNS Sooleils noirs

Suuns a sorti avec Hold/Still l’album que l’on a probablement le plus écouté cette année. Une collection de 11 morceaux qui vous donne l’impression d’écouter quelque chose de nouveau. Un album plus complexe, plus sombre que ses prédécesseurs, encore plus proche de ce qu’est Suuns, aux dires de Ben Shemi, chanteur/guitariste du groupe, que l’on a rencontré avant leur concert à Nancy, à l’Autre canal, dans le cadre du festival Musiques volantes. Un très bon set, un peu court peut-être (qui s’explique par le fait que les 2 groupes –Electric Electric était aussi à l’affiche- ont eu le même temps de jeu), malgré un rappel un peu frustrant (1 seul morceau joué, Infinity, pas forcément un choix judicieux pour clore le concert) mais intense et fort. Avec des versions vraiment inspirées de Resistance ou Instrument, un aspect électro très présent, davantage que sur disque, et une reprise très sympa du Long Division de Fugazi. Un Ben Shemi qui a voulu répondre en français (très bon) canadien (avec ses incursions caractéristiques très sympas d’expressions anglaises) à nos questions.

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Qu’est-ce qui vous a poussés à créer Zeroes : l’ennui des longs hivers canadiens ? L’envie d’exprimer des choses ? L’amitié ?

C’était plus l’amitié et la scène musicale de Montréal. L’envie de jouer de la musique avec les amis. Rien à voir avec l’hiver. On aime bien l’hiver. C’est vrai qu’on a des hivers un peu longs au Canada [Ndr : Il sourit]. Mais c’est correct. On est habitués.

Quelles étaient vos buts, vos attentes quand vous avez créé le groupe ?

On a commencé tous les 2 avec Joe. J’ai commencé à écrire des chansons dans le sous-sol de mes parents. On était tous dans la scène musicale de Montréal, dans différents univers et jouer ce n’était pas vraiment quelque chose qui était hors du commun. On connaissait d’autres gars qui jouaient de la batterie et de la basse. En fait il n’y avait pas d’attentes particulières, c’était juste un truc entre amis. Il n’y avait pas de but d’être comme ci ou comme ça. I don’t know. C’était naturel en fait.

Je te demandais ça car quand on écoute vos 3 albums on a l’impression que depuis le début vous savez ce que vous voulez faire, vers quoi vous voulez aller.

Premièrement, on a sorti notre premier album 3 ans après avoir fondé le groupe. On a eu le temps de trouver notre son, de bien connaître le matériel alors c’est sûr que quand on a sorti notre premier album on n’était pas complètement neufs. On avait déjà beaucoup joué. Je ne sais pas s’il y avait vraiment une vision au départ mais en tout cas notre approche de la musique n’a pas beaucoup changé par la suite, c’est vrai. On fait un peu la même chose que ce qu’on faisait au début mais je pense que maintenant c’est juste un peu plus raffiné.

Tu parles de vision. Que vouliez-vous faire avec votre premier album ?

C’était jamais une histoire de vouloir faire quelque chose. Il n’a jamais été question d’une esthétique ou d’un genre de musique qu’on voulait jouer. C’est moi qui ai écrit les morceaux et comme on avait beaucoup joué live, la direction qu’ils ont pris s’est faite naturellement. C’était juste nos goûts. Et ça ça n’a pas changé. Ce qui est important c’est si ça nous plaît ou pas. Est-ce que ça marche ? Pourquoi ça marche : ça on s’en fout un peu. Ce qui compte c’est : est-ce que ça nous plaît ?

En tout cas quand on écoute votre musique on a l’impression d’écouter quelque chose de nouveau, que l’on n’a pas entendu ailleurs.

Merci, c’est cool. En fait, on a beaucoup d’expérience live et on écoute bien sûr beaucoup de choses et tout ça se retrouve dans notre musique. On ne parle jamais entre nous de notre côté créatif, de ce que l’on veut faire. C’est intuitif. On sait quand ça marche ou quand c’est trop électro. Ou quand ça va trop dans un autre genre. On essaie de rester au milieu de tout ce que l’on aime, de trouver un équilibre entre tout ça.

Vous avez un background jazz puisque certains membres (Ben et Liam, le batteur) du groupe se sont rencontrés à l’université lorsqu’ils étudiaient ce genre musical. Le jazz influence-t-il encore votre musique ?

Je pense que oui. Mais pas dans les références musicales du jazz. Plus dans l’approche. Pas dans la façon de parler ou de faire de la musique. Ce n’est pas quelque chose de concret. C’est sûr que l’on est à l’aise dans l’improvisation et ça, ça vient du jazz.

Tout cela fait que votre musique est originale. Mais du coup elle n’est pas facile à décrire, pour ceux qui doivent en parler dans des chroniques ou pour promouvoir vos concerts. Tu la décrirais comment si tu avais à annoncer vos concerts ?

Moi je dis toujours que l’on fait du rock. On est un groupe de rock. C’est sûr que ce n’est pas du rock traditionnel mais quand on est sur scène, surtout, on se présente comme un groupe rock, avec une instrumentation assez traditionnelle dans le fond. Ce genre de musique c’est de toute façon plus un esprit, une attitude. On aborde ça comme un jeu. C’est pour ça que je dis ça.

Au début, à part le jazz quels groupes ont influencé votre musique ?

Moi, personnellement, j’ai grandi en écoutant beaucoup de classic rock avec mes parents, comme Bob Dylan. Quand je commençais à apprendre la guitare, c’était plus des vieux trucs des années 60-70, parce que je voulais ressembler à mes héros. Au lycée, c’était des trucs comme Led Zeppelin, Jimi Hendrix. Plus tard, après le jazz même, je suis tombé amoureux de la musique électronique. C’est vraiment les 2 mondes musicaux qui ont compté pour moi : le classic rock basé sur la guitare électrique des années 60-70 et la musique électronique avec des trucs comme Plastic Man ou Aphex Twin, des trucs des années 90-2000.

Le côté électro, c’est toi qui l’amène dans Suuns alors ?

Au début oui, mais maintenant on est tous à l’aise avec l’électro. C’est sûr qu’avec les claviers très présents c’est quelque chose que l’on a beaucoup développé dans le groupe. Maintenant, on écoute tous ce genre de musique.

J’ai lu dans une interview qui n’est pas si vieille car elle date de 2013 que Suuns marchait beaucoup mieux en France qu’aux Etats-Unis et même qu’au Canada. C’est un peu surprenant, non ? Ca s’est un peu inversé depuis ?

Non. Depuis on est plus populaire au Canada et aux Etats-Unis mais on l’est aussi davantage en France. Alors c’est un peu la même chose qu’avant. C’est vrai qu’en Europe on joue beaucoup plus dans de grandes salles. Je ne sais pas trop pourquoi. Il n’y a pas vraiment de logique derrière ça, je crois. Je m’en fous un peu à vrai dire. Il n’y a pas de raisons particulières à mon avis.

Vous vous définissez souvent comme un groupe live quand vous parlez de vous…

On vient d’un background où l’on jouait dans beaucoup de différents groupes. Et au départ, avec Zeroes [Ndr : Le groupe a changé de nom et est devenu Suuns juste avant de sortir son premier album], l’important était surtout de développer une identité musicale plutôt que d’enregistrer des albums. C’est pour cela que cela nous a pris tellement de temps pour enregistrer. Et même maintenant enregistrer n’est pas quelque chose que l’on fait très souvent. C’est une chose complètement différente. Ce n’est pas que l’on n’est pas à l’aise avec le studio, c’est surtout que l’on est ben plus à l’aise sur scène. La flexibilité du live, l’énergie du live, c’est plus important, je trouve. En tout cas pour moi. Parce que la musique cela reste un art de performance. Je pense que c’est quand le public vient nous voir qu’on gagne des fans et pas quand on écoute nos albums.

Lorsque vous jouez live justement qu’espérez-vous apporter au public ?

C’est du plaisir, de l’entertainment. Moi quand je vais voir un show je veux voir un groupe qui prend ça au sérieux. Je n’ai pas besoin de feux d’artifices mais je veux sentir qu’il y a une profondeur derrière ce qu’ils font. Que c’est réfléchi. Qu’il n’y a rien de laissé au hasard. C’est pas sarcastique, c’est pas un jeu, quoi.

Que c’est un truc sérieux.

Oui mais sérieux cela ne veut pas dire que cela doit être sombre ou quelque chose comme ça mais juste qu’il y a une profondeur derrière ça, une passion. C’est ce que je veux apporter. Montrer que je me sens bien sur scène, que je sais ce que je veux exprimer et que c’est senti, peu importe de quelle manière, et qu’il y a une connexion entre nous et le public.

Vous avez pris goût au studio depuis, petit à petit ?

Oui on aime beaucoup ça. C’est fun ! On s’amuse beaucoup mais quand on compare le nombre d’heures que l’on passe en studio et celui que l’on passe sur scène, cela n’a rien à voir. Et c’est cher aussi. Du coup, on ne peut pas le faire souvent. Cela rend les choses spéciales quand on va en studio. Mais on essaie de travailler avec nos amis quand on enregistre pour que cela ne ressemble pas à un travail.

Hold/Still est sorti depuis plusieurs mois maintenant. Avec le recul comment tu le vois ce nouvel album ?

Je ne l’ai pas écouté depuis sa sortie en fait. Mais j’ai pas besoin de l’entendre en même temps. Je pense que cela reste notre album le plus difficile d’accès pour celui qui écoute. Il a moins de points d’entrées. Je pense que c’est l’album pour lequel on a fait le moins de compromis. On a fait exactement ce qu’on voulait. On n’a pas essayé d’adoucir les choses pour que ce soit plus agréable à écouter. Ou pour qu’il ait plus de succès. C’est une bonne réflexion d’où on en est comme groupe. On a été chanceux de pouvoir sortir un album sans avoir à faire le moindre compromis par rapport à ce que l’on veut faire. Et les choix que l’on a faits en studio étaient parfois assez tranchés. Et on a de la chance qu’un peu de monde écoute cet album car il est lourd. Jusqu’ici c’est notre truc le plus mature en tout cas.

Qu’est-ce qui a permis ça ? C’est l’apport de John Congleton ?

Je pense que oui. En fait on est un groupe très autodirigé et travailler avec lui c’était quelque chose de nouveau pour nous car on n’a jamais travaillé avec un producteur. Ce qu’il nous a le plus apporté c’est nous permettre d’être qui nous sommes. Pas d’être un groupe qui essaie de faire telle ou telle chose mais d’être juste nous. On fait ce que l’on fait et ce sont des choix que l’on fait ensemble. C’était bien.

Comment il s’y est pris ?

Juste en étant là. D’habitude c’est juste nous 4. Et c’est à nous de prendre les décisions, de prendre des risques. Mais c’est un travail qui reste très fermé. C’est bien d’avoir quelqu’un d’autre qui est là, pour qui on a beaucoup de respect, qui a beaucoup d’expérience. Du coup, si on a envie d’aller dans une direction et qu’il nous y encourage on va le faire alors qu’on aurait peut-être hésité si on avait été que nous 4. C’est surtout une question de confiance.

C’est pour cela que vous avez voulu travailler avec lui.

Non, parce que l’on ne savait pas ce qu’il allait nous apporter. On voulait juste faire quelque chose de différent. On ne connaissait pas sa façon de travailler. On a parlé avec pas mal de monde qui a travaillé avec lui et tout le monde dit des choses différentes alors…Ca dépend des projets, je pense.

Comment ça s’est fait alors ?

Depuis notre premier album il est fan de ce que l’on fait. Il a dit qu’il avait envie de travailler avec nous à plusieurs reprises ces dernières années. Il est aussi venu nous voir à des concerts que l’on a faits au Texas. Et quand le temps est venu de travailler sur Hold/Still il nous a redit qu’il voudrait travailler avec nous. C’est sûr qu’il est rendu à un point de sa carrière où il peut maintenant choisir les projets sur lesquels il a envie de bosser. Pour nous c’était cool car il était vraiment intéressé par enregistrer avec nous. C’était pas simplement pour travailler. C’était facile comme choix pour nous du coup.

C’est vrai que cela ne se refuse pas.

Oui, I mean, il y a pas mal d’autres personnes avec qui on aimerait travailler mais c’est juste une nouvelle expérience pour nous. Et on est fiers du résultat.

C’est vrai que l’on peut dire que ça a bien fonctionné. Quand vous êtes rentrés en studio, tous les morceaux étaient prêts ?

Ils étaient composés mais pas complètement prêts. Une moitié était des morceaux que l’on avait beaucoup fait tourner. L’autre moitié était jouable mais pas finie. Et il y avait 2 ou 3 trucs qui n’étaient pas finis du tout. En fait, on a enregistré 17 morceaux en tout et on n’en a gardé que 10 pour l’album.

11, non ?

11 alors [Ndr : Il sourit]. En tout cas, c’est vrai qu’il y avait beaucoup de matériau qui ne marchait pas ou qui n’était pas rendu au point de pouvoir le sortir.

Et vous aviez envie d’arriver comme ça, pas forcément complètement prêts sur tous les morceaux, pour vous laisser un peu de liberté ?

En général on est assez prêts comme groupe car on aime jouer beaucoup et faire tourner les chansons avant de les enregistrer car premièrement c’est cher de passer du temps à composer en studio. Pour moi, c’est comme un luxe de pouvoir faire ça. Alors c’était plus comme quelque chose d’économique de faire ça. En plus comme je te l’ai dit, c’est autogéré dans ce sens que l’on entend mieux si les morceaux fonctionnent ou pas en live.

Et les 6 morceaux qui ne sont pas sur l’album ils vont devenir quoi ?

La moitié d’entre eux se retrouvera sur un prochain album ou un EP parce qu’ils sont vraiment biens. C’est juste qu’en studio il y a plein de choses que tu ne peux pas contrôler et des fois ça marche pas. On sait que c’est bon mais cela ne s’est pas traduit en studio. Les autres on les entendra peut-être jamais. C’est sûr qu’à chaque fois qu’on enregistre il y a toujours 2 ou 3 morceaux que l’on mixe et qui ne voient jamais la lumière.

A moins que cela ne fasse comme Translate. J’ai lu que ce morceau est vieux en fait. Il a 8 ans, quelque chose comme ça.

Oui, c’est vrai. On l’a enregistré à chaque fois que l’on a enregistré un nouvel album et à chaque fois ce n’était pas comme ce que l’on voulait.

Vous avez enregistré plusieurs versions de Translate alors ?

Oui, il doit y avoir quelque chose comme 4 versions de cette chanson que l’on a enregistrées mais cette fois c’était la version que l’on voulait, celle qui marchait le mieux.

C’est incroyable.

Oui, mais en même temps c’est cool. Car il n’y a pas de pression pour sortir quelque chose. C’est comme une intuition. Comme je disais tout à l’heure s’il n’y a pas ce feeling musical, si ça ne touche pas, c’est que ce n’est pas prêt.

D’un autre côté cela devait être un peu frustrant de ne pas le voir aboutir sur un album avant car vous deviez sentir qu’il pouvait donner quelque chose de super ce morceau.

For sure. On l’a joué pendant des années et on savait que c’était bien mais c’est juste que quand tu enregistres une chanson c’est une démarche différente. Des fois les chansons que tu connais le mieux, en lesquelles tu as le plus de confiance, sont celles qui se traduisent le moins bien en enregistrement. Ca a juste été comme ça avec cette chanson là. Ca a pris beaucoup de temps mais on savait que cela se ferait un jour car c’était du bon matériau.

Je crois que mon morceau préféré sur l’album c’est Un-No. Tu peux me dire quelques secrets de composition ou d’enregistrement le concernant ?

Il a été écrit très vite. Et il a été produit très vite aussi. Il fait partie des morceaux enregistrés quasiment en dernière minute, que l’on n’a presque pas fait tourner du tout en studio. I don’t know. Quoi dire. C’est basé sur un genre de ligne slide qui créé un genre de tension et c’est juste comme un puzzle que l’on a arrangé très vite.

Vous avez commencé avec cette ligne de guitare, c’est ça ?

Oui, c’est ça. D’habitude ça commence avec un beat pour établir un tempo, une pulsation toute simple et après ça tourne autour de ça.

Et les paroles ?

Pour Un-No ? Quand tu connais quelque chose, tu peux ne pas la connaître vraiment. C’est ça l’idée derrière la chanson. Ca parle de quelqu’un qui parle à quelqu’un d’autre, qui lui dit des choses mais qui pense d’autres choses.

Le genre de musique que vous faites donne l’impression que le processus de composition est long. Est-ce vraiment le cas ?

Des fois. Ca dépend des chansons. Il y a des chansons qui vont très vite, comme Un-No, comme…Des fois il y a des chansons qui sont très simples et tu ne veux pas diluer le thème alors il ne faut pas trop composer autour de ça. Des chansons comme 2020 ou Un-No sont un peu comme ça. Less is more (Ndr : moins est plus). La composition n’est pas forcément très rapide mais très simple. Il faut se restreindre dans ces cas-là. Pour d’autre chansons comme Careful par exemple ou des chansons longues comme Brainwash, il y a beaucoup d’accords, de changements, là ça prend beaucoup plus de temps parce que l’idée initiale est très bien mais on sent en tant que compositeurs que pour que cette idée de base marche il y a beaucoup de travail à faire. Et des fois l’idée fait tout le travail pour toi. Ca dépend des chansons.

En général, c’est toi qui apportes des idées, c’est ça ? Et ensuite vous faites comment ?

Oui, c’est ça et ensuite on jamme. Des fois j’enregistre des démos comme des plans que j’ai en tête. Et ensuite on aime les faire tourner car ça change beaucoup. Le beat peut changer. Et les synthés font évoluer tout ça aussi. Les lignes de guitare, ma façon de chanter, changent souvent énormément. Je commence souvent par un beat tout simple. Une sorte de boucle. C’est vraiment des démos très bruts. Très simples. Des fois les démos sont excellentes car je trouve qu’il y a une simplicité et un esprit que l’on n’arrive pas à saisir ensuite avec le groupe. Mais c’est sûr qu’il n’y a pas les détails et la subtilité quand on les a ensuite travaillées.

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Tu en as un peu parlé tout à l’heure : quelles qualités un morceau de Suuns doit-il avoir pour qu’il soit satisfaisant pour vous ?

Ce n’est pas possible de répondre à cette question. Car il n’y a pas de checklist qui te permet de vérifier que le morceau est bien parce que ça sonne comme nous. Par exemple, une chanson comme Nobody Can Save Me Now est très différente parce qu’elle est basée sur un blues essentiellement. Et au début on avait beaucoup de discussions : ça nous plaisait beaucoup mais on savait pas pourquoi. Il y avait une fragilité dans les arrangements et la composition qui étaient très biens et que l’on voulait garder en enregistrant mais d’un autre côté c’était très différent de ce que l’on faisait avant. Même Brainwash est très différente de ce que l’on faisait avant et du son que l’on associe au groupe. Encore une fois, c’est un feeling. It works or it doesn’t work. Soit ça marche ou ça marche pas.

Vous avez collaboré avec Jerusalem In My heart sur un album Tu peux nous parler de cette expérience avec Radwan Moumneh ?

C’est un bon ami de Montréal. On a beaucoup tourné et parlé de musique ensemble. Et on a décidé de faire de la musique ensemble. Ca nous a pris 3 ans pour faire l’album à cause du fait que nos emplois du temps sont très chargés. On est rarement à Montréal en même temps mais ce qu’on a appris, c’est une autre façon de travailler, sans attente, sans pression et une approche de la production très détendue, décontractée parce que dans les studios on s’habitue à des conditions d’enregistrement idéales, avec des très bons microphones et un super son alors que cet album a été fait dans des sous-sols, dans des chambres d’hôtels. Mais ça a donné un genre d’énergie que l’on n’a jamais pu retrouver autrement. Moi je suis très fier de cet album là à cause du fait que c’est un “good feeling” quand je l’écoute. Et c’était une vraie réussite pour nous. Ce que l’on fait habituellement est très différent bien sûr mais je suis très fier que l’on ait pu faire ça avec notre ami. On l’a sorti et c’est cool.

Vous avez parlé de retravailler ensemble ?

Oui, on en parle mais ce qui a fait la réussite de l’album c’est justement dû au fait qu’on l’ait fait quand on pouvait, sans se prendre la tête. Alors si on veut le refaire, il ne faut pas qu’on planifie trop les choses. Alors oui on en a reparlé mais on ne sait pas quand on le fera ou comment on le fera…

Ca nous amène à la scène de Montréal qui est super vivante. Comment tu l’expliques ?

C’est simple. Il y a peut-être 15 ans maintenant, des salles et des studios ont été ouverts pour que les groupes indie puissent jouer. Il y a aussi 3 grandes universités et c’est vraiment pas cher comme ville alors il n’y a pas beaucoup de pression financière pour les artistes là-bas. Et depuis il y a plus d’endroits pour jouer et beaucoup de jeunes qui viennent pour les études restent ensuite pour créer. Du coup, il y a beaucoup de groupes, beaucoup d’opportunités pour jouer. Il n’y a pas d’argent à se faire mais il y a de la place pour jouer. C’est pour cela que c’est une ville vibrante, côté musique surtout, grâce à ce renouvellement constant de jeunes. Et à la vie abordable.

Je suis allé à Montréal récemment et j’ai vu que les gens du label Constellation ont racheté des endroits pour en faire des salles et des studios pour ensuite les ouvrir à des groupes locaux à des prix bas. Ils ont, j’imagine, joué un rôle dans ce nouveau dynamisme à Montréal.

C’est clair. Quand je dis 15 ans, ça correspond à ça : c’est Constellation, Godspeed, au début des années 2000 et même un peu avant, qui ont établi la scène que l’on connaît aujourd’hui à Montréal. Godspeed a vraiment créé un mouvement musical autour d’eux : il y a beaucoup de monde qui a déménagé là-bas parce que les gens au Canada voyaient qu’il se passait quelque chose dans la ville alors que dans leur ville il n’y avait peut-être pas grand chose qui se passait.

Vous vous sentez proches de Constellation ?

Oui, ça c’est vraiment des super potes. Jessica Moss que tu as vu tout à l’heure avec nous sur le divan, elle fait partie de A Silver Mount Zion, elle est venue nous voir jouer ce soir. Elle est en tournée en Europe aussi et ne jouait pas trop loin alors elle est venue. Ca, c’est vraiment la famille Constellation de base des années 2000. La scène de Montréal est très grande mais elle est très petite en même temps.

Tout le monde se connaît…

Ben oui et non. Tout le monde sort plus ou moins dans les mêmes endroits.

Du coup, pourquoi vous ne sortez pas vos disques sur Constellation ?

[Ndr : Il hésite longuement]

C’est une question piège [Ndr : je le dis avec un large sourire] ?

Ça pourrait être piège. Ça dépend de ce que je vais dire [Ndr : avec un large sourire aussi]. Il n’y a pas de raisons particulières en fait. Avec Secretly Canadian, ils nous ont proposé de faire 3 disques, que l’on a faits d’ailleurs. Du coup, on n’a jamais vraiment été en recherche d’un label. Ça s’est fait comme ça. C’est sûr que si on sortait nos disques sur Constellation ça nous plairait aussi mais le label n’a jamais été un enjeu pour nous. C’est juste les circonstances qui ont fait que l’on a sorti nos disques chez Secretly Canadian.

Un mot au sujet de vos pochettes. Sur chacun de vos disques il y a une photo de femme sur le digipack. C’est un hommage ?

Ce sont juste des amies que l’on connaît à Montréal. Ce ne sont pas des professionnelles. Elles ont juste un look. C’est Joe, un photographe qui joue aussi de la guitare dans un groupe, qui a pris les photos. On a eu cette idée pour le premier album et on a décidé de continuer comme ça pour les suivants pour avoir une sorte de thématique. On trouvait important d’avoir une continuité esthétique pour nos albums.

C’est un peu dur de ne pas parler de l’élection de Donald Trump hier…

Ouais, on a vraiment eu une mauvaise journée hier. On était en Suisse, je me suis levé par hasard à 5 heures du matin et je me suis dit que j’allais juste checker qu’Hillary Clinton avait bien gagné parce que tout le monde était sûr de ça. Et là ils disaient que c’était très serré mais que Trump avait toutes les chances de gagner. Je n’ai pas pu retourner au lit après ça. J’ai juste continué à écouter ça le matin et le reste de la journée. C’était vraiment “fucking terrible”. J’ai honte un peu mais euh…I don’t know…Who knows? Who knows what’s going to happen ? Peut-être que c’est la pire chose qui va faire changer les choses sur le long terme fondamentalement. Après tu te dis “peut-être que c’est moi, nous, ma vie qui ne comprenons pas les autres, qui sommes ignorants de ce qui se passe ailleurs dans le monde”. Cette réaction des américains te laisse vraiment dans un état de confusion. C’est décevant. Quand j’y pense, ça me rend malade. C’est la pire chose qui pouvait arriver. Et c’est surprenant qu’il y ait tant de monde contre Hillary Clinton. Parce qu’à mon avis c’est quelqu’un de brillant. Pourtant ils ont été prêts à voter pour un raciste au lieu d’une femme forte et intelligente. It doesn’t make sense. Il n’y a pas de logique derrière ça.

Je crois que l’américain blanc moyen n’était pas prêt à voter pour une femme…

Sûrement oui. Mais je peux juste pas comprendre ce concept. C’est juste “fucked up”. It doesn’t make any sense. Je comprends qu’il y a des gens comme ça, mais la moitié, je comprends pas. C’est juste “fucked up”.

Mais à mon avis en France c’est pareil on n’est pas prêts à élire une femme présidente. Pas encore. En tout cas j’espère que le prochain président ne sera pas une femme. Sinon cela voudrait dire que Marine Le Pen a été élue.

Oui, je sais. Elle est un peu la “female version” de Donald Trump. En tout cas il est là pour 4 ans maintenant.

Apparemment il y a pas mal d’américains qui ont dit qu’ils allaient quitter les Etats-Unis pour aller s’installer au Canada.

Oui, j’ai entendu ça. Et du coup le site web canadien pour l’immigration a crashé à cause de tous les nombreux visiteurs qui voulaient tout à coup des renseignements pour immigrer au Canada…Après ils ont dit ça mais je ne suis pas sûr qu’ils vont le faire. C’est quand même leur pays et tu ne peux pas tout abandonner comme ça…

 

photos live : Sullivan – photos non live : Nick Helderman et DR

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