BD. Louisiane, années 30. Shelley et sa mère, accompagnées de leur gouvernante Elizabeth arrivent de Philadelphie pour passer l’été dans un manoir à Sunny Point, non loin de La Nouvelle-Orléans. Malgré sa santé fragile, la jeune fille de 12 ans a envie de s’amuser. Elle fait rapidement la connaissance de Red, un garçon blanc issu d’une famille pauvre et Otis, à la peau noire. Au contact de ces deux amis inséparables toujours prêts à faire les 400 coups, Shelley va découvrir les joies des baignades dans le Mississippi, les étonnants paysages du bayou mais aussi le racisme et la discrimination envers les noirs américains…
La belle idée de Johann Louis, c’est bien sûr d’avoir choisi, à la façon d’un Mark Twain dans ses Aventures d’Huckleberry Finn, auquel on pense souvent ici, ce trio d’enfants comme protagonistes de Swamp. Des êtres innocents pour qui différences d’argent ou de couleur de peau n’ont pas d’importance et passent après jeux et amitiés mais qui sont pourtant déjà confrontés, malgré eux, au monde des adultes du sud des Etats-Unis : celui de la ségrégation. Une violence qui n’est jamais directement montrée mais qui est omniprésente malgré tout : les noirs américains vivent dans la pauvreté et travaillent au service des blancs ; la mère d’Otis lui interdit de trainer avec Red car cela pourrait leur attirer des ennuis ; il arrive que des hommes noirs disparaissent et le shérif et d’autres blancs se rencontrent parfois discrètement dans des endroits secrets…Louis, que l’on découvre avec Swamp, raconte donc tout cela à hauteur d’enfant, comme pour renforcer le sentiment d’injustice que l’on peut ressentir à la lecture du récit. D’où le choix d’un trait attachant et tendre et de couleurs gaies aquarellées. Un travail graphique totalement à-propos qui nous immerge parfaitement dans la chaleur étouffante de la Louisiane et des paysages luxuriants et moites des bayous pour une évocation très inspirée de cette période sombre de l’Histoire des Etats-Unis, pleine de finesse et d’humanisme, qui peut s’adresser, et ce n’est pas le moindre de ses mérites, aux grands comme aux petits.
(Récit complet, 160 pages – Dargaud)