(BBMix, Boulogne-Billancourt, Carré-Belle-feuille)
Depuis 2005, le festival créé par Marie-Pierre Boniol* à Boulogne Billancourt, marque des points, avec sa programmation exigeante. Et cette dixième édition ne fera pas défaut. Bonnie Prince Billy, Faust, Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp, et bien sûr ceux pour qui nous venons ce soir : Trans Am et The Intelligence. Comme d’habitude, l’évènement se passe dans une grande salle de la ville de Boulogne, le carré Belle-feuille. Un de ses endroits impersonnels, avec ses escaliers, son amphithéâtre, sa grande scène et ses rangées de fauteuils. Car, oui, les concerts du BBMix, malgré sa programmation très rock, continuent de se dérouler devant un public assis. Ainsi soit-il. Pas de boisson dans la salle non plus. Manquerait plus que tu salope les fauteuils ! Je m’installe donc dans le noir sur un de ces jolis fauteuils, comme au cinéma, ou au théâtre. Manque plus que l’ouvreuse. Quelques mètres plus bas, Turzi a déjà commencé son concert. Musique planante, beaucoup de reverb, pas mal de synthés, un peu de guitare… entre post-rock, rock seventies, et pop. Je n’ai pas bien compris le rôle de la chanteuse choriste, mais ce doit être une histoire de goût. En tout cas, de là où je suis, je ne rentre pas dans leur set. C’est bien fait, mais je ne comprends pas bien ce qu’ils essaient de me raconter. Ce n’est pas ma tasse de thé, et les idées manquent de force pour me retenir. La wah wah aura raison de moi, je sors prendre l’air.
Dans la salle, je croise les vieilles connaissances, les frangins de NLF3, Marie-Pierre Boniol, Karim, etc. Je me croie revenu dans les années 90.
La cloche sonne. Trans AM, qui ont le droit à leur nom en gros sur l’affiche, attirent à nouveau le public dans la salle. Et là, les trois ricains, derrière leur dégaine de californiens décervelés, vont faire ce qu’ils savent faire de mieux : jouer avec les clichés, les tordre et les recracher avec la précision qui leur est propre. Du thème hard-rock de Anthropocene aux solos de guitare, de la chaine en or du batteur aux T-Shirts sans manche de ses deux camarades. Mais là est la force du trio : utiliser des ingrédients dont j’ai horreur, sons de synthés ignobles, vocodeur, solos, etc., pour le rendre comestible. Le jeu impressionnant du batteur, et le son sans le moindre défaut, n’y sont pas pour rien. Les titres du dernier album s’enchainent, Megastorm, I’ll never (qui me rappelle Laurie Anderson), ou le très kraftwerkien FutureWorld. Le tout joué avec une énergie qui arrive à toucher le spectateur bien enfoncé dans son fauteuil molletonné. Autant vous dire que ce n’était pas gagné vu le confort des dits fauteuils, mais, avec plus de 20 ans au compteur, Trans Am maîtrise son sujet et la salle l’a bien senti. Rien à ajouter, spectacle millimétré, efficace, certes sans surprise, mais, pour le dernier concert de sa tournée, le groupe a livré un set digne de leur réputation. Impressionnant.
Après la machine de guerre, c’est un groupe plus en souplesse qui a la difficile tâche de conclure. The Intelligence ont joué à Paris il y a peu, et eux aussi nous ont habitué aux concerts de qualité. Pour cette date, Lars Finberg s’est entouré d’une nouvelle formation. On retrouve toujours le bassiste de la dernière tournée, mais un nouveau batteur (plus garage) et surtout l’ancien guitariste tatoué de Thee Oh Sees ont rejoins le groupe. Exit par contre la claviériste/choriste. On sent que la nouvelle formule est encore en rodage, les morceaux sont présentés dans leur plus simple appareil. Pas de fioritures, des titres qui s’arrêtent plus à l’arrache, à la bonne franquette. Pas grave, cette version brute a son charme, et Lars toujours autant de classe. L’aspect lo-fi du groupe peut décontenancer derrière la débauche de testostérone de Trans AM, mais on peut y voir aussi plus de vie, de simplicité et d’émotions. Personnellement je me régale toujours autant à l’écoute des titres de « Everybody’s Got It Easy But Me » ou de « Male« . Ce mélange de sonorité sixties et mods, sous perfusion noise-punk, me met en joie à chaque coup. Imparable. Et cette formation, moins en finesse, mais plus garage, y met suffisamment de cœur pour nous emmener avec elle. Nous sommes d’ailleurs nombreux à nous être levés des fauteuils pour voir le concert comme il se doit, debout, devant la scène. Et pour ne rien gâcher, l’arrivée de Petey Dammit, le second guitariste de Thee Oh Sees, ajoute pas mal de style au quatuor. Alors tant pis pour l’absence de sytnhé (en dehors du petit qu’utilise parfois Lars), le concert de The Intelligence (là aussi le dernier de la tournée sur le sol français avant de passer en Espagne), s’il n’a pas été le meilleur que j’ai vu, m’a fait un bien fou. Et je ne pense pas être le seul.
Merci encore une fois à l’équipe de BBMix pour cette dixième édition, et cette soirée à l’affiche particulièrement réussie.
Rendez-vous l’année prochaine.
*ancienne gloire du fanzinat français et boss de l’agence de booking Julie Tippex