BD. Quand l’idée de lancer cette série parallèle, Thorgal Saga, a vu le jour, son éditeur chez Le Lombard a immédiatement pensé à Corentin Rouge, fan du héros créé par Rosinski et Van Hamme de longue date (enfant, il dessinait des vikings et des drakkars qu’il allait ensuite montrer à son père Michel…), qui accepta aussitôt. Pour l’épauler dans ce projet, et lui écrire un scénario, il pensa à Duval, avec qui il venait de réaliser un XIII Mystery. En discutant du récit, le jeune dessinateur confia son envie de dessiner des Amérindiens à son acolyte et l’idée d’imposer une escale en Amérique à Thorgal alors qu’il revenait du pays de Qâ avec Aaricia et Jolan s’est ainsi imposée et aboutit, in fine, à ce “Thorgal en Amérique” ! Une nouvelle réussite pour cette nouvelle série inaugurée l’an dernier par Recht et son excellent Adieu Aaricia. Parce que Wendigo réunit finalement tout ce que l’on attend de ce genre de livre : respecter l’univers, la chronologie et les codes mis en place par ses créateurs tout en parvenant à surprendre et à montrer de la personnalité. Côté scénario, Duval a ainsi eu la très bonne idée, assez inattendue (et pourtant Van Hamme en a déjà fait voir de toutes les couleurs à son héros…), de faire vivre une aventure amérindienne à Thorgal (d’où les peintures de guerre qu’il arbore sur la couverture, magnifique). Pas vraiment voulue par le “viking” d’ailleurs qui va ici être une nouvelle fois victime des caprices des Dieux. En l’occurrence de Jörgunmand, serpent géant vaincu, et chassé, par Thor, il y a longtemps de cela et qui veut sa revanche en devenant le plus puissant maître des esprits de ce nouveau monde qu’est l’Amérique. Il s’arrange donc pour obliger Thorgal à s’arrêter dans ces “terres neuves” pour qu’il aide le peuple qui l’idolâtre, le clan des eaux, à vaincre le Wendigo, un manitou puissant et impitoyable invoqué par leurs ennemis, le clan des arbres, qui détruit et tue tout sur son passage. Thorgal n’aura pas d’autre choix que d’accepter sinon il n’aura pas accès au remède qui guérira Aaricia du poison qui coule dans ses veines…Une mission rondement menée : le scénario est bien écrit et permet à Duval d’épingler la religion (qui divise ici les peuples) et les blancs qui ont signé l’arrêt de mort des Amérindiens quand ils sont arrivés sur leurs terres. Et la narration, grâce à un découpage aussi fluide que dynamique, est parfaitement maitrisée. Enfin, le travail graphique de Corentin Rouge est juste superbe : on sent que le dessinateur a pris beaucoup de plaisir à mettre en images ce Wendigo et son dessin réaliste, très propre techniquement, est ici particulièrement vivant : les scènes de combat, spectaculaires (elles opposent quand même, parfois, un serpent gigantesque à une sorte de mélange d’ homme géant et de démon à tête d’orignal), sont criantes de vérité; les décors (notamment forêts et cours d’eaux qui se déploient parfois sur des double pages) particulièrement soignés et les visages expressifs. Bref, un très bon récit, bien mis en valeur par la belle édition proposée par Le Lombard.
(Récit complet, 128 pages – Le Lombard)