Cela faisait longtemps que je n’avais pas vu Thurston Moore sur scène. Ça datait de Sonic Youth et cela devait être en 99 ou 2000 dans le cadre d’un festival (il y avait les Beastie Boys aussi) au Zénith de Nancy. Trop longtemps. Du coup, son dernier album, Rock’n Roll Consciousness (chronique ici), souvent inspiré, m’avait donné envie de revoir l’ex-leader de Sonic Youth avec ses nouveaux musiciens. Ce concert programmé à Nancy, à L’Autre Canal, tombait donc à pic !
J’arrive à la salle un peu en avance, assez en tout cas pour voir la première partie. Les roadies font les derniers réglages et à 21 heures pétantes, surprise, c’est notre grand échalas new-yorkais préféré qui déboule sur scène ! Je ne suis pas le seul à être étonné de cet horaire très « parisien » mais tout le monde est aux anges. Pas le temps d’ailleurs de se demander le pourquoi du comment puisque Moore égrène déjà quelques arpèges pour lancer Cease Fire (un morceau issu des sessions d’enregistrement de Rock’n Roll Consciousness mais uniquement disponible en téléchargement grâce à un coupon inséré dans la version vinyle). Très bonne entrée en matière pendant laquelle on observe, bien sûr, les petits nouveaux. Car si le fidèle Steve Shelley est toujours derrière les fûts, c’est Deb Googe et James Sedwards qui tiennent désormais respectivement la basse et la deuxième guitare. Et chacun dans le public y va de son petit commentaire à leur sujet. Certains trouvent par exemple que le jeu de l’ex-My Bloody Valentine est plus punk que celui de Kim Gordon. Bien vu. En tout cas, Googe restera très proche de Shelley tout au long du concert, à l’ancienne, pour que la section rythmique fasse corps. Quant à James Sedwards, sa complicité avec Moore est déjà évidente. Et techniquement, le mec est fort. Mais comme sur disque, on se serait bien passé de ces quelques solos façon guitar hero…Et même si le grand Thurston lui a confié la guitare lead, on sent que le gars ne veut pas trop tirer la couverture à lui. Le frontman, c’est Moore. Et puis ce n’est visiblement pas dans son caractère. D’ailleurs, Sedwards passera le plus clair du set les yeux fermés.
Le groupe enchaîne ensuite la totalité de Rock’n Roll Consciousness, avec d’excellentes versions d’Aphrodite (que l’on voyait bien terminer le concert, à tort…) et d’Exalted, aux accents post-rock très prononcés en live, qui clôt idéalement la première partie du set avec sa digression bruitiste dont Moore s’est fait une spécialité. Après une petite pause, les 4 musiciens reviennent. Thurston Moore semble vraiment prendre plaisir à être là. En tout cas, il est d’humeur à plaisanter et chambre même gentiment quelqu’un dans le public qui est en train de téléphoner pendant le set… Il prend aussi le temps d’expliquer que tous les 4 ont visité la ville l’après-midi. Ce qui explique pourquoi l’américain avait décliné notre demande d’interview. Et qui me rassure aussi, moi qui avais d’abord pensé que Moore avait snobé Positive Rage… Le groupe ne jouera qu’un morceau lors de ce rappel : Ono Soul, que certains ont peut-être pris pour une reprise de Sonic Youth mais qui se trouve en fait sur le premier album solo de Moore, Psychic Hearts, sorti en 1994. Difficile de faire mieux pour terminer : le titre est l’un des meilleurs de la discographie solo du bonhomme et les musiciens nous gratifient une dernière fois d’une impro noisy à souhait, guitares contre les amplis, les 2 guitaristes prenant un main plaisir à essayer de dompter les caprices de la fée électricité avant de retomber, quelques minutes plus tard, sur l’entêtante mélodie d’ Ono Soul. Le sourire aux lèvres, Thurston Moore quitte la scène en lançant un « Peace and love » au public en guise d’au revoir. La classe.