BD. “Parcourant la blanche immensité d’un hiver éternel et glacé d’un bout à l’autre de la planète, roule un train qui jamais ne s’arrête”. Cette phrase, qui a servi d’introduction au premier Transperceneige, est devenue désormais mythique. Un mythe qui, comme le train, n’est pas prêt de s’arrêter, artistiquement parlant, non plus. Puisqu’ après l’adaptation (excellente) réalisée pour le cinéma par le coréen Bong Joon-Ho en 2013 ou le préquel (intitulé Transperceneige Extinctions) que Rochette et Matz sont en train (le troisième et dernier tome devrait paraître d’ici quelques mois) de réaliser, voilà que Netflix diffuse maintenant la série Snowpiercer! Et Casterman a profité de l’occasion pour sortir une nouvelle édition du récit originel (en fait, pour être très précis, il existe une première version, réalisée par Lob et Alexis, restée inachevée -il n’y avait que les 16 premières planches- après la mort du dessinateur à l’âge de 31 ans…). Une version collector superbe: très grand format, papier épais de grande qualité, nouvelle couverture et, en bonus, des peintures magnifiques, réalisées par Rochete à l’occasion de la sortie du film ainsi que l’édito du numéro 57 de la revue (à Suivre) dans laquelle le récit a commencé à paraître.
Une belle opportunité de découvrir (ou redécouvrir) les débuts du Transperceneige, ce train à bord duquel quelques milliers de personnes ont pu embarquer avant de mourir de froid à cause du dérèglement brutal du climat. Et le train originel, dans la forme, est très différent de ceux imaginés par Benjamin Legrand (qui a repris la série avec Rochette en 1999), Matz, Bong Joon-Ho, Bocquet (qui a réalisé Transperceneige Terminus avec Rochette en 2015) ou Graeme Manson (showrunner de la série qui passe sur Netflix) par la suite. Même si le récit est censé se passer dans le futur, le convoi fait très années 70-80 (le récit a commencé à paraître en 1982…). Lob et Rochette y ont en effet mis un contrôleur, un wagon bar et le design du train lui-même, à part la locomotive, n’est pas très futuriste! Mais l’essentiel, le fond, est bien sûr déjà là. Je veux bien entendu parler de cette idée incroyable, géniale, cette véritable métaphore de la société qu’est le Transperceneige. Avec le président et les nantis qui se trouvent à l’avant dans les “voitures dorées”, les classes moyennes que l’on retrouve en seconde et le “populo” qui s’entasse à l’arrière dans les wagons de queue. Et qu’on laisse crever de froid et de faim. Oh, les queutards ont bien tenté de se rebeller mais leur révolte (des événements que l’on surnomme “la ruée sauvage” à l’avant et “le massacre” à l’arrière…) a été maté dans le sang, brutalement, par les militaires…Pourtant, Proloff (un nom qui dit bien la dénonciation sociale que les auteurs avaient en tête) a tout de même décidé de tenter sa chance, en passant par l’extérieur, puis en pénétrant, plus loin, par la fenêtre de toilettes. Aussitôt repéré, il va pourtant, de fil en aiguille, remonter les wagons un à un jusqu’à Olga, la Saint Loco, comme l’appellent les frères de la machine, à l’origine d’une nouvelle religion (une autre des très belles idées trouvées par Lob et Rochette) à bord.
Tout était là, dés les origines. Un scénario fort et politique. Et un dessin déjà moderne. C’est ce que cette nouvelle édition vient nous rappeler. Pas étonnant que d’autres créateurs aient eu envie de proposer leur vision de ce train. Et ce n’est peut-être pas fini…
(Récit complet, 120 pages – Casterman)